Les artistes Marina Abramovic et Ulay ont partagé la scène et l’écran au Louisiana Museum of Modern Art, près de Copenhague. Les performances pionnières des deux artistes et leur vie de couple nomade avaient connu une fin amère en 1988, lorsqu’ils avaient rompu en cheminant l’un vers l’autre le long de la muraille de Chine. Cependant, c’est à l’inauguration de la rétrospective de Marina Abramovic au musée danois, fin juin, que l’ancienne flamme de l’artiste serbe l’a rejointe sur scène et a pris la parole à la fin de son discours.
Bien loin de leur rencontre silencieuse et larmoyante vers la fin de la performance The Artist is Present, au Museum of Modern Art de New York en 2010, le couple s’est donné une accolade et a plaisanté ensemble, l’air relaxé.
Christian Lund, l’éditeur de la Louisiana Channel qui a interviewé les artistes pour la vidéo The Story of Marina Abramovic & Ulay, a chroniqué avec joie ce dernier tournant heureux de ce qui était, jusqu’à la rupture du couple, « l’une des plus grandes histoires d’amour de l’art du XXe siècle ». Celui-ci affirme que l’arrivée impromptue d’Ulay à la conférence de Marina Abramovic l’avait surprise, car elle avait dû le persuader de monter sur scène.
Cette rencontre a mené à une interview vidéo du binôme, conduite par Christian Lund quelques jours plus tard. Ce dernier a voulu s’entretenir avec les deux artistes séparément tout en leur posant les mêmes questions. Marina Abramovic affirme avoir mis de côté « toute la colère et la haine » qu’elle avait ressenties envers son ancien compagnon jusqu’à l’année dernière. « L’œuvre merveilleuse que nous laissons derrière nous est tout ce qui compte », dit-elle. De son côté, Ulay avoue à son interlocuteur que « les moments désagréables relèvent du passé. » Ce à quoi il rajoute: « C’est une très belle histoire. »
L’éditeur explique que les deux artistes sont « très contents de la vidéo » et qu’ils y partagent des images de leurs collections privées et de leurs performances. Un instant fort du documentaire est une séquence de Marina Abramovic et Ulay alors qu’ils réalisent la première performance d’Imponderabilia en 1977, à Bologne. Les images, issues d’un documentaire contemporain filmé par la télévision italienne, les montrent faisant du camping dans leur mini-fourgonnette Citroën à l’intérieur du parking du musée, juste avant la performance. On les voit ensuite en train de performer leur œuvre à l’entrée du musée. Près de 350 visiteurs devaient donc se faufiler entre le couple nu avant que la police ne vienne arrêter leur performance. Ulay se rappelle du risque qu’ils couraient : « Quelqu’un aurait pu sortir un couteau », dit-il. Quant à Marina Abramovic, elle affirme qu’ils étaient des « portes vivantes », car « sans artistes, il n’y aurait pas de musées. Nous étions donc des portes vivantes ».
La performance Imponderabilia a été recréée pendant la rétrospective « The Cleaner » (ouverte au public jusqu’au 22 octobre) au Louisiana Museum. L’exposition est co-organisée par le Moderna Museet, à Stockholm, qui l’a aussi accueillie de février à mai dernier.
Christian Lund, qui a déjà interviewé Marina Abramovic plusieurs fois, travaille maintenant sur une vidéo portant sur Ulay et son art, dont la parution est prévue pour septembre. Contrairement à Marina Abramovic, l’artiste allemand a préféré poursuivre son activité dans l’ombre après avoir rompu avec sa partenaire. Il s’est donc retiré du marché de l’art et des musées, tandis que Marina Abramovic, elle, a continué à être très présente dans les médias.
Ce n’est que l’année dernière que la Schrin Kunsthalle de Francfort a organisé « Ulay Life-Sized », première grande rétrospective consacrée à l’œuvre de l’artiste allemand.