En 2015, la Biennale des Antiquaires changeait de nom pour devenir la Biennale Paris. La même année, les organisateurs de l’événement décidaient qu’il serait désormais annuel. Ces choix ont mis fin à des années d’hésitation de la part de ses promoteurs, le Syndicat national des antiquaires (SNA), qui fédère environ 400 marchands d’art. Ces derniers espèrent un retour triomphant au Grand Palais du 11 au 17 septembre.
Face à la concurrence de The European Fine Art Fair (Tefaf) et aux difficultés rencontrées par la direction, la foire, jadis pionnière, a fini par s’effondrer. Lors de son inauguration en 1962, le SNA déclarait qu’il désirait « créer un événement où la beauté des objets exposés pouvait rivaliser avec celle des femmes qui venaient visiter l’exposition ». À cette époque là, la France dominait encore le monde de l’art et de la mode, ce qui a permis à l’événement de jouir de glorieuses décennies d’extravagance, d’intrigue… et de scandale. La première (et dernière) fois que Leo Castelli a visité la foire, deux de ses peintures ont été lacérées par un visiteur mentalement perturbé. Les galeries Newhouse ont vu des policiers emporter un portrait de Frans Hals spolié par les nazis. En 2004, deux diamants estimés à 11 millions d’euros ont été volés à Chopard, sans parler du jour où un jeune homme en jeans a été prié de partir, après avoir demandé à un marchand d’art le prix de son objet le plus précieux. « Jeune homme, je crains que ceci ne soit pas pour vous », lui avait-on dit. Le « jeune homme » en question était Bill Gates.
Le décor luxueux, conçu par des créateurs comme Luigi Pizzi, Karl Lagerfeld ou François-Joseph Graf, les dîners de gala, dont les tables pour dix coûtaient 10 000 € (le prix a baissé à 8 000 € cette année), le champagne à volonté et les repas cuisinés par des chefs célèbres, faisaient de la Biennale la foire d’art la plus glamour du monde.
Mais l’édition 2016, supervisée par Dominique Chevalier, a été inaugurée en pleine enquête criminelle pour contrefaçon. Le scandale a entraîné la mise à la porte de Didier Aaron et le retrait de la prestigieuse galerie Kraemer. Les membres de la SNA, qui s’étaient sentis éclipsés par les joaillers de la place Vendôme durant les dernières années, ont décidé de les exclure de l’événement. Pourtant, c’étaient eux qui apportaient à la foire l’essentiel de son capital, à savoir 2 500 € par mètre carré loué, à comparer aux 1 000 € (voire moins) que souscrivaient les marchands d’art. Selon Christian Deydier, ancien président du SNA, les joaillers payaient également une grande partie des frais publicitaires de la foire.
Les dépenses de l’événement restaient élevées : pour la scénographie, Nathalie Crinière était payée 15 000 € et Henri Loyrette, ancien directeur du Louvre, recevait 80 000 € pour assurer la présidence de la commission préparatoire. Le SNA avait conservé environ 4 millions d’euros de profits accumulés des dernières éditions en réserve, chaque édition ayant généré 1 million d’euros ou plus. Pourtant, pour sa première édition en 2016, la foire avait enregistré un déficit de 2,3 millions d’euros.
Évincé de son poste en décembre dernier, Dominique Chevalier n’est désormais plus à la tête de la SNA. Mathias Ary Jean, marchand d’art d’œuvres du XIXe siècle et président actuel du SNA (le troisième en trois ans), a tenté de consolider les finances. La durée de la foire a été écourtée à une semaine. Christopher Forbes, qui remplaçait Henri Loyrette, a aussi offert ses services. La promotion et les actions publicitaires ont été réduites. La collection Barbier-Mueller fera l’objet de la seule exposition qui se tiendra dans le cadre de la Biennale.
Le changement le plus difficile à faire passer est celui de la réduction du nombre d’exposants, qui est passé de 121 auparavant à 93 en 2016. Les galeries Landau, Marlborough et Lévy Gorvy ne sont ainsi plus parmi les participants. Il n’y a pas, non plus, une seule galerie des États-Unis ou du Canada. De nombreux professionnels français (dont les galeries Aveline, Jacques Barrère, Christian Deydier, Bernard Dulon, Hopkins, Monbrison, Mitterand, Vallois et Aaron et Kraemer) sont également absents. La foire Paris Tableau, orientée grand maîtres d’art, s’était incorporée à la Biennale l’année dernière mais ne reviendra pas cette année. Ses fondateurs ont préféré lancer un nouvel événement en novembre prochain. Les galeries De la Béraudière, Chadelaud, et même Jonckheere, membre du conseil du SNA, se sont retirées à la dernière minute.
« Ces choses-là arrivent à toutes les foires d’art », affirme Mathias Ary Jan, qui considère que la Biennale avait besoin de renouveau. Les galeries Gismondi, Léage, Perrin et Steinitz sont maintenant représentées par les enfants de ces fameux marchands d’art et d’antiquités. Cette nouvelle génération mêle mobilier du XXe siècle et art contemporain. « C’est important qu’un tel événement soutienne les nouveaux arrivants », commente Dominique Chevalier, qui a choisi de revenir et qui expose quatre tapisseries (rachetées à Bill Gates) des séries Tenture des chasses de Maximilien, tissées avec du fil d’or sous le règne de Louis XIV. « Si je veux une vitrine qui soit digne d’un tel chef d’œuvre et trouver les bons clients, il n’y a pas de meilleur endroit que la Biennale », souligne-t-il.
« Je suis optimiste », déclare Christopher Forbes. « Mathias Ary Jan a démontré être très dynamique et semble s’être réconcilié avec l’événement. Des collectionneurs et directeurs de musées importants viennent des États-Unis. Avec un peu de chance, les clients achèteront. »