Afin d’honorer la carte blanche qu’elle s’est vu attribuer par le Palais de Tokyo, l’artiste française Camille Henrot a pris soin de contenter tout le monde : qu’il soit amateur de dessins, de sculptures, de vidéos ou d’installations, le visiteur est sûr de trouver une œuvre à son goût. Réunissant ses travaux au sein de l’exposition polymorphe « Days are Dogs », l’artiste nous livre une prestation touffue et référencée, parfois à outrance.
Prenant la forme d’un semainier monumental, l’exposition « Days are Dogs » se construit autour d’un récit : celui de l’organisation fictionnelle du temps en sept jours distincts. À chaque espace d’exposition correspond un jour de la semaine concrétisé par une sorte d’agenda géant fixé à l’entrée des salles.
Tout commence au jour de Saturne, le samedi : le visiteur, muni de lunettes 3D, est invité à pénétrer dans une sombre salle de projection où la vidéo Saturday (2007) est jouée en continu. Documentant l’église adventiste du septième jour – où les samedis sont des jours de repos et d’adoration –, le film alterne entre images de baptêmes par immersion totale, expériences neurologiques et injections de Botox, le tout sur fond de phylactères relayant des « news » en boucle. La vidéo au rythme soutenu immerge le spectateur qui en ressort un peu sonné.
Son esprit s’apaise au dimanche, formalisé par Camille Henrot par des sculptures aux allures d’ikébanas réalisés avec des fleurs séchées. Arrivé au dimanche soir, il peut ensuite admirer l’installation datant de 2014, The Pale Fox, où l’artiste a accumulé un fatras d’objets – allant de la sculpture à la photographie souvenir – sur un fond bleu roi.
Dernières heures de repos avant la reprise du rythme de travail, les heures du dimanche soir semblent également être celles où l’on veut lire « quelques pages encore » avant d’éteindre la lumière. Et de tout recommencer au… lundi. Monday ou plutôt Moon-day, le jour de la lune que l’artiste imagine comme une ballade mélancolique parsemée de sculptures à la Henry Moore.
Une série d’œuvres de l’artiste – et amie de Camille Henrot – Samara Scott nous mène au mardi, le jour de Mars et de la guerre où, disposées sur un immense tatami, des sculptures en bronze tentent de s’affranchir de cordages sur fond de projection du film Tuesday (2017) présentant des séances de jiu-jitsu, une technique de combat développée par les samouraïs de la période Edo. Incité à enlever ses chaussures et à grimper sur le tatami, le visiteur ne s’exécute généralement pas, par paresse, timidité ou parce qu’il n’en cerne pas bien l’utilité.
Le mercredi, on communique ! Camille Henrot a formalisé le jour de Mercure en imprimant des centaines de spam et d’e-mails qu’elle a reçus pour les disposer, plus grands que nature, sur le sol de la salle d’exposition en guise de critique des modes de communication désincarnés du monde globalisé.
Elle nous entraîne ensuite à Bad Dad & Beyond (2015), une installation participative où le visiteur est convié à décrocher le combiné de téléphones coulés en résine. Au bout du fil, des hotlines ou encore la voix du père Noël demandant au visiteur ce qu’il a mis sur sa liste. Au-delà de l’hyper-communication, ce qui attire peut-être le plus le regard sont ces milliers de piécettes formant un chemin au bout duquel se trouve – enfin – la fin de la semaine. Comme des vestiges du mythe de Danaé, ce chemin d’or conduit au jour de Vénus qui clôt le parcours sur Deep Inside (2015), un film porno-érotique expérimental.
Parfois inégale, souvent saturée, la carte blanche donnée à Camille Henrot au Palais de Tokyo offre un panel très complet du travail de l’artiste au visiteur qui risque, cependant, de repartir avec une « grosse fatigue » muséale.