« Le regardeur perçoit-il le genre dans les œuvres d’art ? », telle est la question que pose la nouvelle étude menée par l’université de Luxembourg. Selon les prix aux enchères, la réponse est oui, les œuvres réalisées par des femmes étant vendues 47,6 % moins chères que celles des hommes.
« Les acquéreurs hommes sont une vraie force sur le marché de l’art. Ce sont souvent eux qui considèrent que la production plastique des femmes est inférieure », explique Roman Kraüssl, l’économiste d’art qui a conduit l’étude. « Nos recherches témoignent de la discrimination qui existe contre les femmes et qui est solidement ancrée dans de nombreux secteurs. »
Afin de comprendre la place qu’occupe le genre dans le marché de l’art, l’étude a lancé plusieurs enquêtes. La première – fondée sur un échantillon de 1 000 personnes – demandait d’évaluer une œuvre non signée et de préciser ensuite le genre de son auteur. Dans un deuxième sondage, 2 000 personnes devaient noter des œuvres exécutées à l’ordinateur et assigner à chacune d’entre elles des noms fictifs d’artistes (masculins et féminins). À nouveau, les œuvres des femmes étaient toujours notées plus bas que celles des hommes.
En ce qui concerne les ventes aux enchères, une étude basée sur un million et demi de ventes effectuées par 62 442 artistes dans quarante-cinq pays entre 1970 et 2013 avance une réponse semblable. Pour un artiste homme, le prix moyen d’une œuvre s’élève à 48 212 dollars, contre seulement 25 262 dollars pour les femmes.
Cette différence de prix serait-elle causée par l’accès moins facile des femmes aux ressources éducatives et artistiques ? Peut-être. Mais selon l’article, cette explication est insuffisante. Il en va de même pour la théorie selon laquelle les thèmes et le style des œuvres varieraient en fonction du genre. Un autre facteur qui pourrait également expliquer cet écart est la prédominance du genre masculin dans la profession de commissaire-priseur. Cependant, il n’existe pas assez de preuves pour soutenir cette théorie.
Finalement, l’étude signale le « parti pris social » qui existe derrière ces prix inégaux et conclut en citant un article du journaliste Greg Allen, paru dans le New York Times en 2008 : « La réponse à la question “pourquoi les œuvres exécutées par des femmes sont vendues moins cher que celles des hommes” exige une réponse longue et complexe. C’est une réponse qu’il faut formuler avec soin, en choisissant les bons termes et qui doit parfois faire appel à des explications contradictoires. Mais il est aussi possible d’y apporter une réponse courte et simple qu’aucune de ces explications ne peut contredire : les œuvres des artistes femmes sont vendues moins cher parce qu’elles sont faites par des femmes. »