Le musée rouvre après une très longue pause. L’institution possède un double statut particulier. Quelle est sa vocation ?
C’est vrai que c’est l’un des rares musées en France à avoir ce profil : il est à la fois un musée d’entreprise, qui appartient au groupe La Poste, et en même temps agréé « musée de France ». La grande majorité de nos collections appartiennent à l’État. Nous gérons des collections qui sont donc sa propriété et nous le faisons dans le cadre scientifique et culturel qui s’applique à tous les musées de France, avec par exemple une conservatrice en chef du patrimoine. C’est une double appartenance qui n’est pas si fréquente dans le paysage français.
Que trouve-t-on dans les collections ?
Avec 37 000 objets historiques et 800 000 objets philatéliques, le fonds est considérable ! Le musée est d’abord le dépôt légal du timbre. Tous les timbres qui sont émis en France, plus les pièces qui ont participé à leur fabrication, techniques ou artistiques, comme les dessins d’artistes, sont automatiquement versés dans nos fonds. Ce fonds philatélique est de loin le plus important de la collection. Nous détenons aussi plus de 6 000 œuvres d’art moderne et contemporain et un ensemble photographique de plus de 225 000 clichés. Et 200 mètres linéaires d’archives ! C’est un fonds qui évolue avec la société, de plus en plus confronté à la question de la dématérialisation du courrier… Un grand sujet en ce moment.
La nouvelle muséographie est plus moderne, plus interactive… Qu’ont apporté les travaux dans la façon de présenter la collection ?
Dans la nouvelle présentation, 30 % d’objets nouveaux sont montrés, des pièces acquises récemment ou restaurées pendant les travaux, et qui s’ajoutent à celles incontournables que nous montrons dans l’exposition permanente. Pour faire vivre nos objets, nous nous sommes beaucoup appuyés sur des dispositifs numériques et interactifs qui démultiplient les possibilités de comprendre et d’exploiter la collection, la prolongent.
Un niveau entier est consacré aux liens entre La Poste et l’art…
L’un des trois plateaux de l’exposition permanente est baptisé « La Poste, l’art et le timbre » et veut montrer que La Poste se nourrit de l’art contemporain, tout en inspirant les artistes. Le point central est le timbre comme support de la création artistique. La reproduction d’œuvres d’art sur timbre a débuté avec Malraux, qui a voulu au début des années 1960 diffuser des œuvres patrimoniales et artistiques à travers les timbres. En 1974, La Poste décide d’aller plus loin et commande pour la première fois un timbre à un artiste contemporain : Miró, qui crée L’Oiseau postal. César, Soulages, Zao Wou-Ki lui ont succédé… Jusqu’au timbre de la photographe Valérie Belin, le dernier entré dans les collections.
LA REPRODUCTION D’ŒUVRES D’ART SUR TIMBRE A DÉBUTÉ AVEC MALRAUX AU DÉBUT DES ANNÉES 1960
Les artistes s’inspirent parfois de l’univers de La Poste. Prenons l’exemple du Street Art : la rue est un lieu éminemment postal, avec un mobilier urbain connu de tous, des facteurs qui sont des acteurs de la rue… Ce que nous voulons montrer, c’est que La Poste sait s’adapter au monde actuel. La nouvelle muséographie donne donc plus de place à l’art contemporain. C’est un parti pris assumé, qui tient à cette volonté de dialogue entre l’histoire et la modernité.
Le musée expose aussi du « Mail art »…
En effet, il conserve 5 000 pièces de « Mail art » et 200 œuvres qui relèvent du domaine de « l’art postal ». C’est un courant artistique né au début des années 1960, qui s’empare du support postal, souvent des enveloppes, pour créer. Le Mail art montre que La Poste est une source d’inspiration et un support pour les créateurs. Des artistes inspirés par des objets comme les boîtes aux lettres mais aussi des toiles postales comme Viallat, qui s’en empare dans une de ses séries.
Quels seront les grands axes de la programmation des expositions temporaires ?
L’idée de l’exposition temporaire au musée de La Poste est de puiser dans les collections pour en sortir des pièces rarement montrées ou sous un angle différent, d’ouvrir à d’autres visions. Le curseur va bouger d’une présentation à l’autre. La première exposition pour l’inauguration est fortement axée sur les collections. Mais la prochaine, « Rêver l’univers », en 2020, s’en éloignera plus, avec des œuvres d’une quinzaine d’artistes contemporains comme Félicie d’Estienne d’Orves, Marina Gadonneix, Julien Mauve, Philippe Baudelocque, Emmanuel Régent, Anaïs Tondeur, Jittish Kallat, Patrick Bailly-Maître-Grand ou Dominique Blais.
Musée de La Poste, 34, boulevard de Vaugirard, 75015 Paris.