Deux galeries parmi les plus puissantes du monde ouvrent en même temps leurs portes cette semaine à d’autres enseignes parisiennes et bruxelloises. L’une, Perrotin, accueille à partir du 22 mai un accrochage collectif d’artistes présentés par Balice Hertling, Crèvecoeur, frank elbaz, Antoine Levi, Anne-Sarah Bénichou et Semiose.
26 GALERIES OCCUPERONT LES CIMAISES DE L’ESPACE SAINT-CLAUDE, PAR SESSIONS DE DEUX SEMAINES
« Dans cette période où les foires et les grandes expositions muséales sont interrompues, il nous semble important de proposer une alternative. Celle-ci est évidemment modeste et ne permettra pas de compenser les vastes difficultés auxquelles fait face notre profession. Mais elle vient pointer l’importance du métier que nous faisons au quotidien », écrit Emmanuel Perrotin dans sa présentation du projet, baptisé « Restons unis ». Jusqu’au 14 août, 26 galeries occuperont les cimaises de l’espace Saint-Claude, par sessions de deux semaines. Dans la liste figurent Jocelyn Wolff, Art:Concept, Air de Paris, In Situ fabienne leclerc, mor charpentier… « L’idée vient d’Emmanuel Perrotin, qui a appelé les galeries, puis les équipes de la galerie ont voté pour déterminer les participants. Le mot d’ordre, dans cette période compliquée, où le numérique a largement dominé depuis deux mois, c’est : visitez les galeries, venez voir les œuvres en vrai ! », explique Vanessa Clairet, en charge du projet. Une plateforme online complète le dispositif pour ceux qui ne peuvent se déplacer jusqu’au Marais, notamment les collectionneurs étrangers.
S’épauler dans une période sans grande visibilité pour le marché de l’art, c’est aussi l’esprit qui anime la proposition faite par David Zwirner, mais cette fois uniquement en ligne. Le galeriste américain d’origine allemande s’était fait remarquer en avril 2018 en suggérant que les plus petites galeries paient un peu moins cher leur stand sur les foires, qui compenseraient la différence en augmentant le tarif des grosses enseignes. Cette fois, il a lancé ce printemps Platform, une vitrine numérique hébergeant ses confrères. Après New York, Los Angeles et Londres, c’est au tour de Paris et de Bruxelles. Neuf Parisiens (Allen, Art : Concept, Balice Hertling, Campoli Presti, Edouard Montassut, Crèvecoeur, Joseph Tang, High Art et New Galerie) et trois Bruxellois (Office Baroque, Damien & The Love Guru et CLEARING) y présentent chacun deux œuvres d’un même artiste renouvelables une fois du 22 mai au 19 juin. « Platform s’est construit très vite au début de la pandémie à New York pour aider nos confrères locaux, des galeries plus petites qui ont besoin d’outils digitaux », précise Juliette Durrett, codirectrice de la galerie David Zwirner à Paris. Et d’ajouter : « le nombre de gens qui vont pouvoir venir dans les espaces physiques, avec la limitation des voyages internationaux, sera très restreint pendant un certain temps. L’idée était ici de donner accès à un public très large et à des étrangers qui pourront ainsi découvrir ces galeries ».
Bénéfique pour l’image de méga-galeries régulièrement accusées de cannibaliser le marché au détriment d’enseignes plus modestes à la peine, l’opération singulièrement synchronisée devrait toutefois rapporter davantage aux convives qu’aux maîtres de maison. Ainsi ni Perrotin ni David Zwirner ne prélèveront de commissions sur les ventes des galeries, choisies sur invitation. Et il ne semble pas, à première vue, qu’elles captent les contacts obtenus lors des présentations virtuelles, les personnes intéressées s’adressant directement aux participants. « Cette période est tellement étrange que c’est le moment d’expérimenter, confie Daniele Balice, codirecteur de Balice Hertling, qui participe aux deux plateformes. En plus, c’est un très beau geste généreux de ces deux galeries de vouloir préserver l’écosystème du marché dans les villes où elles sont présentes ».
Pour lui, la plateforme de David Zwirner peut agir comme une minifoire où le public de cette puissante enseigne qui, sur les foires physiques, ne daigne guère visiter son stand, est susceptible ici de tout voir… La dimension géographique – avec un accent sur l’Asie pour Perrotin et un autre sur les États-Unis pour Zwirner – entre en ligne de compte dans sa participation aux deux offres, tout comme pour la galerie Crèvecoeur. « C’était important de remettre en avant le métier de galeriste et la programmation de notre espace à l’heure du numérique, explique Alix Dionot-Morani, la codirectrice de l’enseigne. Après avoir été fermé deux mois et envisager une année où la fréquentation à la galerie sera très faible un bon bout de temps, c’était vital de montrer notre travail à l’international. Certains collectionneurs étrangers ne nous voient que sur les foires ! C’est encore plus important pour nos artistes d’être vus que nombre de leurs expositions en institutions sont fermées ou repoussées ».