Après un confinement de cinq semaines, plusieurs projets ont redémarré à Mossoul dans le cadre d’un programme de l’Unesco visant à restaurer le riche patrimoine du vieux quartier de la ville irakienne, ravagé par la guerre. Des travaux financés par l’Allemagne ont commencé sur la mosquée Aghawat, des maisons sont en cours de rénovation avec l’aide de l’Union européenne tandis que la réhabilitation de l’église du couvent dominicain Notre-Dame de l’Heure (Al-Saa’a) est rendue possible par les Émirats arabes unis.
Selon Brendan Cassar, qui dirige le département culturel de l’Unesco en Irak, les projets regroupés dans le cadre de son initiative « Faire revivre l’esprit de Mossoul » sont de « modestes tentatives » de réhabilitation de la ville dévastée, dont la reconstruction complète coûterait des centaines de milliards de dollars. L’objectif primordial, dit-il, est de restaurer la cohésion sociale et d’encourager le retour de ceux qui ont fui le conflit qui a suivi l’invasion américaine de 2003 ou qui ont quitté la ville après que l’État islamique (EI) a pris le contrôle de Mossoul en 2014. L’EI a été évincé par le gouvernement irakien et les forces de la coalition internationale dirigées par les États-Unis en 2017.
L’OBJECTIF PRIMORDIAL EST D’ENCOURAGER LE RETOUR DE CEUX QUI ONT FUI LE CONFLIT
Les communautés traumatisées doivent vouloir rentrer, explique Brendan Cassar. « La confiance entre les communautés ne peut pas être recréée du jour au lendemain, c’est donc un processus étape par étape », dit-il. Une partie importante de l’action de l’Unesco consiste à directement employer des résidents locaux pour la reconstruction de leurs quartiers grâce à l’embauche d’architectes et d’ingénieurs ainsi qu’à former aux techniques de construction et de restauration.
L’église du couvent Notre-Dame de l’Heure, dont la construction remonte à la fin du XIXe siècle, était un « lieu important pour la communauté », explique Maria Acetoso, chef de projet senior pour sa restauration, dans une ville qui « a toujours été un lieu où différentes religions et groupes ethniques ont coexisté ». Cela a radicalement changé après la chute de Saddam Hussein en 2003 et l’occupation orchestrée par les États-Unis, qui ont contribué à une montée de l’extrémisme religieux. « Les Dominicains avaient un vaste complexe qui comprenait une école, une bibliothèque riche de 30 000 livres, ils dispensaient des formations professionnelles, disposaient d’une galerie d’art et même d’un cinéma », rappelle Maria Acetoso, qui a participé à obtenir l’autorisation de lancer cette réhabilitation à la fois du waqf, le conseil chrétien de Mossoul, et de l’ordre dominicain.
Bombardée lors des conflits ethniques de 2006 puis utilisée comme prison par l’EI, l’église a conservé sa tour mais son intérieur a été gravement endommagé, de même que le monastère attenant. Le père Najib Mikhael Moussa, nommé archevêque de Mossoul l’année dernière, y conservait jadis des milliers de manuscrits anciens et rares, notamment des textes chrétiens, musulmans et yézidis ainsi que des archives scientifiques. Lorsque l’EI a envahi la ville, il a sauvé plus de 800 manuscrits, dont beaucoup ont été confiés aux chrétiens fuyant la ville, souvent à pied.
Dorénavant, l’église accueillera une formation professionnelle de deux ans coordonnée par le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM), qui initiera de jeunes professionnels aux techniques de restauration dans un atelier à l’intérieur du complexe. À quelques centaines de mètres, une nouvelle école sera construite sur le site de celle qui a été détruite lors du conflit. Déjà, la zone entourant l’église reprend lentement vie, avec la réouverture des magasins et la restauration progressive des maisons.
Pendant ce temps, sur les rives du Tigre, le déminage des décombres et la récupération des munitions non explosées a commencé dans la mosquée Aghawat, bâtie au début du XVIIIe siècle, sous l’égide de la famille al-Jalili, qui a dirigé la ville pendant un siècle. Tout comme la tour Al-Saa’a et le minaret Al-Hadba, le dôme blanc et le minaret de la mosquée décorés de carreaux turquoise émaillés, disposés en motifs géométriques, ont toujours fait partie de l’identité visuelle de la ville. Alors que le dôme est resté relativement intact, le minaret a été endommagé lors de la libération de Mossoul par les forces gouvernementales. Le complexe de bâtiments de la mosquée, comprenant une madrasa (école religieuse), fait également partie du programme de restauration.
La récupération des munitions non explosées et le déminage des décombres sont également une priorité dans la réhabilitation des vieilles maisons de ville du côté nord de la mosquée Al-Nouri. Alors que le site de la mosquée a été déminé et ses structures renforcées, les logements, datant principalement de l’époque ottomane, sont toujours vulnérables. « Nous devons avancer lentement et prudemment, explique Brendan Cassar. Des restes de ce qui fut un champ de bataille, y compris des balles et des obus de mortier susceptibles d’exploser, sont éparpillés partout, sous chaque tas de gravats. »
Choisir ce qui doit être restauré est un processus minutieux. La priorité revient aux édifices qui sont intacts à 50 %. Pour la première phase, 30 maisons ont été sélectionnées en vue d’être réhabilitées. « Il y a plus de 10 000 bâtiments détruits sur une vingtaine de kilomètres carrés, fait remarquer Bredan Cassar au sujet de la vieille ville de Mossoul. Chaque maison a une histoire, mais toutes les histoires ne peuvent pas être racontées. »