Le patrimoine et les sites archéologiques sont à nouveau menacés par les combats entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur le territoire contesté du Haut-Karabakh. Depuis le 27 septembre 2020, des centaines de personnes sont mortes et des milliers ont été déplacées dans ce qui est décrit comme le conflit le plus féroce entre les deux pays depuis plus de vingt-cinq ans. Le Haut-Karabakh, connu sous le nom de République d’Artsakh, se trouve à l’intérieur des frontières de l’Azerbaïdjan, mais une majorité arménienne y réside, et les troupes arméniennes le contrôlent depuis 1994. La région abrite de nombreux monuments d’importance religieuse et civile. Le 8 octobre, un porte-parole du ministère arménien de la Défense a dénoncé le bombardement de la cathédrale Ghazanchetsots à Chouchi, l’une des plus grandes églises arméniennes au monde. L’Azerbaïdjan nie être responsable des dommages causés à la bâtisse du XIXe siècle.
Les forces azerbaïdjanaises « ne ciblent pas les édifices et monuments historiques, culturels et surtout religieux », a rétorqué un porte-parole du ministère de la Défense. Selon un rapport du 3 octobre de l’archéologue Hamlet Petrosian, la ville hellénistique arménienne de Tigranakert, vieille de deux mille ans, a également été frappée. « La ville la mieux préservée des civilisations hellénistique et arménienne [du Caucase] se trouve dans la zone d’activités de guerre intensives », a alerté son équipe, notant qu’elle avait été « bombardée à plusieurs reprises ». En Azerbaïdjan, les musées soutiennent publiquement l’effort de guerre. Le 7 octobre, le musée national d’Art et le musée national du Tapis, tous deux situés à Bakou, ont annoncé qu’ils feraient un don aux forces armées azerbaïdjanaises. « Les 4000 sites du patrimoine culturel du Haut-Karabakh risquent de graves dommages », dont la ville historique d’Amaras et son mausolée de saint Grigoris du Ve siècle, ou le monastère du XIIIe siècle à Dadivank, prévient Simon Maghakian. Selon ce politologue arménien installé à Denver (Colorado), l’Azerbaïdjan a intentionnellement bombardé des sites sacrés afin de faire disparaître les preuves d’un passé chrétien arménien et donc toute revendication territoriale. Le 9 octobre, le ministre arménien de la Culture, Arayik Haroutiounian, a appelé l’Unesco à condamner le bombardement de la cathédrale Ghazanchetsots.
« La destruction délibérée du patrimoine culturel constitue un crime de guerre… Malheureusement, quand l’Azerbaïdjan a effacé le patrimoine culturel arménien du Nakhitchevan entre 1997 et 2006, il n’a pas reçu la condamnation appropriée de l’Unesco. Ce silence a entraîné la disparition de 89 églises médiévales, 5840 khachkars (pierres à croix) et 22000 pierres tombales. » Bien que l’Unesco ait condamné les violences récentes des deux côtés, on lui reproche d’avoir tardé à réagir. Deux raisons sont avancées : la contribution financière de l’Azerbaïdjan – un don de 5 millions de dollars à l’institution après que les États-Unis ont retiré leur financement en 2013 – et ses liens avec deux anciens directeurs généraux, Koichiro Matsuura et Irina Bokova. L’Unesco refuse de commenter ces allégations.