Deux jeunes garçons riants, avec chope de bière (vers 1626) de Frans Hals a été récemment volé pour la troisième fois en trente ans, ce qui en fait le dernier chef-d’œuvre en date à être victime de vols répétés apparemment ciblés. Mais, alors qu’il est notoirement difficile de revendre des œuvres bien identifiées, même sur le marché noir, qui se risquerait à jeter son dévolu à plusieurs reprises sur la même peinture et surtout pourquoi ? Le dernier vol de ce tableau s’est produit à la fin du mois d’août au musée Hofje van Mevrouw van Aerden à Leerdam, dans l’ouest des Pays-Bas, lors d’un raid nocturne. Les cambrioleurs ont pénétré par effraction à l’arrière du bâtiment. Le tableau avait déjà été volé au musée en 1988 et 2011, les deux fois, curieusement, avec une autre œuvre du XVIIe siècle, Vue de forêt avec sureau en fleurs de Jacob van Ruisdael.
LE CIBLAGE RÉPÉTÉ D’UNE ŒUVRE N’EST PAS UN SCÉNARIO ISOLÉ
Alors que les experts s’interrogent pour savoir si le tableau de Frans Hals a été « volé sur commande », le ciblage répété d’une œuvre n’est pas un scénario isolé : parmi d’autres exemples figure le Retable de L’Agneau mystique de Van conservé dans la cathédrale Saint-Bavon à Gand, dérobé à treize reprises: il a été la cible des calvinistes, avant d’être saisi par les armées de Napoléon et plus tard par les nazis. Le cri d’Edvard Munch a été dérobé deux fois à Oslo et une autre œuvre de Jacob van Ruisdael, Le champ de maïs, a été volée à trois reprises entre 1974 et 2002.
« Je réfute souvent l’idée d’un collectionneur de type Dr No », ironise Christopher A. Marinello, PDG et fondateur d’Art Recovery International, qui ajoute qu’« une fois qu’une œuvre de cette importance est volée, il se sait qu’elle vaut des millions et qu’elle est couverte par les assurances ». Ceci augmente considérablement les chances que les biens volés soient récupérés par les forces de l’ordre et réduit le nombre de personnes prêtes à prendre le risque d’en devenir propriétaire. Pourquoi alors effectuer un tel forfait ?
L’une des principales raisons semble être le prestige criminel : voler un tableau célèbre peut renforcer la réputation d’un voleur au sein d’un réseau et lui offrir ensuite d’autres opportunités. Une œuvre d’art précieuse peut également être utilisée comme une forme de garantie pour de futures transactions ou pour faire passer des fonds à travers les frontières. Les autorités – qui ne sont pas des spécialistes – sont moins susceptibles de saisir un tableau que de confisquer des millions d’euros en espèces ou en actifs, dont ils sont plus familiers.
Dans d’autres cas, il semble que la raison pour laquelle de telles œuvres de premier ordre attirent les criminels soit justement leur saisie par la police. « La chose que je vois le plus est l’utilisation de ces œuvres volées comme monnaie d’échange pour [réduire] des peines de prison, explique Robert Read, directeur du département art et clients privés chez Hiscox. Cette tendance a été notée il y a une dizaine d’années, mais à mesure que la fixation des peines devient de plus en plus créative dans les salles d’audiences, il semblerait que les criminels la voient davantage comme une opportunité – dans ce cas, plus une œuvre fait parler d’elle, plus elle est connue, et mieux c’est. »
La mise en évidence des failles des systèmes de sécurité d’un musée ou d’une institution publique peut également être un motif. Si certaines institutions investissent massivement après un vol, la réalité est que les ressources disponibles pour la sécurité sont limitées. « De nombreux musées ne renforcent pas nécessairement leurs systèmes de sécurité après un vol et espèrent que « la foudre ne frappera pas deux fois », constate Christopher A. Marinello. Ce n’est évidemment pas le cas et ils doivent tirer les leçons de ces récidives. »
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PLUS DE 400 ŒUVRES DISPARUES DEPUIS LA SECONDE GUERRE MONDIALE RÉCUPÉRÉES EN POLOGNE :
Une collection de plus de 400 œuvres d’art a été restituée à un musée de Bydgoszcz, en Pologne,77 ans après leur disparition. De nombreuses pièces, parmi lesquelles des œuvres de l’artiste réaliste polonais Leon Wyczółkowski et des objets archéologiques, avaient été dispersées en 1943 pour être « conservés en lieu sûr » pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur découverte a été effectuée en août à la suite de « plusieurs dizaines de perquisitions » et d’une enquête de grande envergure supervisée par le bureau du procureur du district de la ville de Bydgoszcz et soutenue par le ministère polonais de la Culture et du Patrimoine national. Deux personnes ont été mises en examen. Toutes deux ont plaidé coupable, mais aucun détail sur la procédure n’a filtré. L’enquête est en cours alors que la police tente encore de récupérer d’autres œuvres.