L’un des chefs-d’œuvre de l’art médiéval européen, le retable de l’Adoration de l’Agneau mystique des frères Jan et Hubert van Eyck, a fait son retour en fin de semaine dernière dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand, en Belgique, pour laquelle il a été créé en 1432.
La présence, lors de la cérémonie inaugurale, de l’évêque de Gand, Lode van Hecke, et du ministre-président flamand, Jan Jambon, a souligné l’importance pour la ville de cette œuvre. L’événement était initialement prévu l’année dernière et devait coïncider avec une exposition d’œuvres de Jan van Eyck, le plus célèbre des frères, au Musée des beaux-arts de Gand (MSK Gent), événement qui avait bénéficié d’importants prêts internationaux. Mais la pandémie de coronavirus a contraint à la fermeture anticipée de l’exposition, dont les billets d’entrée avaient été entièrement prévendus pour toute sa durée. « Il nous confronte à l’éternelle quête de mystère de l’homme, a déclaré l’évêque Lode van Hecke à propos du retable. Je suis convaincu que de nombreuses personnes y trouveront une résonance personnelle.»
L’emplacement du retable a été modifié à plusieurs reprises dans la cathédrale au cours des siècles. Il sera désormais présenté dans l’une des plus grandes chapelles, à proximité de son emplacement d’origine. Après des années de travaux de restauration, qui ont permis de révéler de nombreux détails perdus et la couleur éclatante de la couche picturale d’origine, l’œuvre est désormais exposée derrière une vitre de six mètres de haut dans un espace à la température contrôlée. L’immense paroi de verre permet d’ouvrir automatiquement les douze panneaux du retable chaque matin et de les refermer le soir, afin que les visiteurs puissent voir l’ensemble des peintures, notamment celles plus discrètes des revers, qui représentent des personnages de l’Ancien Testament et les donateurs du XVe siècle qui ont commandé le retable. Le verre protégera les panneaux de la lumière directe du soleil et des températures irrégulières du bâtiment, qui peuvent descendre jusqu’à -2°C en hiver. Le dispositif intègre un système de secours en cas de panne de courant.
Tout l’appareil de médiation à destination des visiteurs a été déplacé à l’intérieur d’un nouveau centre d’accueil, situé dans la crypte, où le public pourra découvrir le contexte de la création de l’œuvre, des explications des scènes allégoriques complexes et l’histoire du chef-d’œuvre à travers les âges, à l’aide de casques de réalité augmentée. Ils emprunteront ensuite un escalier pour aller découvrir l’œuvre dans la cathédrale. La nouvelle présentation et le centre d’accueil, qui ouvrent leurs portes au public aujourd’hui, 29 mars, font partie d’un projet qui a coûté 30 millions d’euros. Pour la première fois, les quatre niveaux de la cathédrale sont totalement accessibles aux personnes handicapées grâce à un nouvel escalier et à un ascenseur.
LE RETABLE SERA DÉSORMAIS PRÉSENTÉ DANSL’UNE DES PLUS GRANDES CHAPELLES, À PROXIMITÉ DE SON EMPLACEMENT D’ORIGINE
Considéré dès le départ comme un chef-d’œuvre novateur, le retable a subi au fil des siècles le vandalisme, l’iconoclasme (y compris le démantèlement de son cadre d’origine) et le vol. Napoléon 1er et Hitler avaient tous deux des vues sur lui, il a été sorti clandestinement de la cathédrale pendant la Première Guerre mondiale pour le protéger, et un panneau qui pouvait inclure des autoportraits des frères Van Eyck – remplacé plus tard par une copie – a été volé en 1934 et jamais retrouvé.
LE RETABLE A SUBI AU FIL DES SIÈCLES LE VANDALISME, L’ICONOCLASME ET LE VOL
Le problème le plus récent était la gestion du nombre impressionnant de touristes qui se pressaient dans une petite chapelle latérale près de l’entrée de la cathédrale. Cependant, (re) découvrir l’œuvre restera une expérience privilégiée pendant un certain temps encore : en raison des restrictions imposées par le Covid-19, seuls 350 billets seront délivrés chaque jour pour accéder à l’expérience en réalité augmentée, et seules cinq personnes à la fois seront admises dans la chapelle où sera présenté le retable. La ville doit également accueillir une série d’événements autour des Van Eyck qui ont pour le moment été reportés.
D’autres travaux de restauration sont prévus sur certains panneaux : le projet a déjà permis de découvrir quelques surprises, notamment des yeux étonnamment humains sur l’agneau figurant au centre, qui avaient été recouverts de peinture il y a plusieurs siècles. La restauration, menée depuis 2012, n’est toutefois pas achevée : restent à traiter les panneaux du registre supérieur lors d’une troisième phase, à partir de 2022.