Femme assise près d’une fenêtre (Marie-Thérèse) (1932) de Pablo Picasso, un portrait de la maîtresse de l’artiste encore adolescente et de sa « muse dorée » à un tournant de sa carrière, sera présentée lors de la vente du soir d’art du XXe siècle – un tout nouveau format – de Christie’s à New York le 11 mai, assortie d’une estimation de 55 millions de dollars (46 millions d’euros).
« 1932 a été une année décisive pour Picasso », explique Vanessa Fusco, coresponsable de la vacation dédiée à l’art du XXe siècle. Le peintre « avait alors 50 ans. Il était un artiste accompli, célèbre… mais qu’allait-il faire après avoir obtenu un succès critique ? Ce pionnier continuerait-il à innover, ou se contenterait-il de tirer profit de son passé, de la réputation qu’il s’était forgée ? »
Au cœur d’un mariage tumultueux avec Olga Khokhlova, Picasso fait la rencontre de Marie-Thérèse Walter, alors âgée de 17 ans, et entame une liaison avec elle. La jeune femme devient la source d’inspiration de plusieurs de ses sculptures, dessins et toiles aujourd’hui les plus recherchés. Mais alors que nombre de tableaux de cette période représentent une femme nue allongée sur le dos, Femme assise près d’une fenêtre (Marie-Thérèse) montre une figure alerte et bien présente. « L’une des caractéristiques les plus frappantes de Femme assise près d’une fenêtre (Marie-Thérèse) est son échelle monumentale. Avec son mètre cinquante de haut, [le personnage] est vivant sur la toile, explique Vanessa Fusco. Elle est [représentée de façon] plus psychologique ici que dans d’autres tableaux. Il s’en dégage une sensualité profonde sans être en aucune façon dégradante. »
LORS DE SA PREMIÈRE APPARITION AUX ENCHÈRES, CHEZ CHRISTIE’S, À NEW YORK, EN 1997, LE TABLEAU AVAIT OBTENU 7,5 MILLIONS DE DOLLARS AVEC LES FRAIS (6,3 MILLIONS D’EUROS)
Femme assise près d’une fenêtre est passée pour la dernière fois aux enchères, en février 2013. Elle avait alors été vendue pour 28,6 millions de livres sterling (33,3 millions d’euros, frais compris) chez Sotheby’s Londres, à un collectionneur anonyme qui avait accepté avant la vente de porter une « enchère irrévocable », soit un prix minimum garanti. L’acheteur semblait avoir été la seule personne qui avait alors enchéri sur cette œuvre, au téléphone avec Patti Wong, la présidente de Sotheby’s Asie. Lors de sa première apparition aux enchères, chez Christie’s, cette fois à New York, en 1997, le tableau avait obtenu 7,5 millions de dollars avec les frais (6,3 millions d’euros) selon la base de données Artnet. La toile a également été récemment présentée au public dans « Picasso 1932 », une exposition consacrée à l’« année érotique » de l’artiste au musée national Picasso-Paris, puis à la Tate Modern, à Londres, en 2017-2018.
Ce portrait sera le point fort de la nouvelle vacation du soir d’art du XXe siècle de la maison de ventes aux enchères, qui comprendra des œuvres allant des années 1870 aux années 1980. Vanessa Fusco précise que ce nouveau format est né d’un « besoin organique de redéfinir la façon dont les ventes aux enchères étaient organisées et de répondre à la façon dont les acheteurs collectionnent. » Remplaçant l’organisation traditionnelle entre d’une part l’art impressionniste et moderne et, d’autre part, l’art contemporain, il permet également de tisser des liens entre des peintres modernes comme Picasso et des artistes plus contemporains, conclut Vanessa Fusco.