Le « Chat qui dort », le « Soleil d’or », le « Bœuf normand »… Suspendues au plafond, les enseignes de commerces du vieux Paris et leur bestiaire pittoresque accueillent toujours les visiteurs au musée Carnavalet. Tout le reste est flambant neuf, ou presque, dans cette première salle des enseignes plus lumineuse que jamais, dotée d’un nouvel escalier sinueux qui lui donne une touche design sans la dénaturer. Ce samedi 29 mai, elle a retrouvé son public après cinq ans de fermeture et quatre de travaux. « Un chantier qui s’imposait pour restaurer un patrimoine très complexe qui s’étend du XVIe siècle à aujourd’hui, pour mettre aux normes les bâtiments et surtout pour proposer un nouveau parcours de visite des collections permanentes suivant un fil chronologique continu », explique la directrice de l’institution, Valérie Guillaume, qui souligne les ambiances très différentes évoquées d’une salle à l’autre du musée, un « voyage dans le temps et dans l’espace de Paris ».
Le chantier s’annonçait délicat pour moderniser le plus vieux musée de la capitale tout en respectant son histoire et celle des deux hôtels particuliers du Marais qui l’abrite, Carnavalet et Le Peletier de Saint-Fargeau, réunis par une mince passerelle au-dessus d’un lycée. Il fallait « tout renouveler sans rien changer », résume l’architecte François Chatillon, responsable du chantier aux côtés de l’agence norvégienne Snøhetta et de Nathalie Crinière pour la scénographie. Pour un budget total de 58,3 millions d’euros, les travaux ont permis d’adapter le bâtiment aux normes de sécurité, de rénover partiellement les façades et les toitures des bâtiments, de transformer les parcours de visite et de restaurer, pour 4,4 millions d’euros, l’ensemble des œuvres exposées. Dans ce dédale de galeries, de salles et de couloirs, trois grands escaliers modernes aident à y voir plus clair en permettant d’accéder directement à des points névralgiques du parcours.
Loin de la promenade un peu confuse de l’ancienne version, l’accrochage a surtout gagné en lisibilité grâce à la nouvelle progression chronologique, sans pour autant sacrifier les period rooms, les célèbres salles à décor qui faisaient son charme. Les salons La Rivière pour le XVIIe siècle, les salles Bouvier et le bucolique salon Demarteau pour le XVIIIe siècle, la somptueuse salle de bal Wendel, la bijouterie Fouquet décorée par Mucha, la chambre de Marcel Proust… Elles n’ont pas disparu, restaurées et habilement intégrées à un fil chronologique qui couvre plus de 10 000 ans du roman parisien, des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique à la capitale contemporaine.
Pour mettre en avant les collections archéologiques et médiévales, de nouveaux espaces ont été aménagés dans les sous-sols voûtés de l’hôtel Carnavalet. Sont montrées pour la première fois des pièces découvertes lors de fouilles récentes comme une pirogue néolithique en chêne retrouvée sur la berge d’un bras fossile de la Seine, vers Bercy. L’autre nouveauté est à chercher à l’autre bout du parcours, du côté de nouvelles salles qui jettent un pont vers l’histoire récente en montrant des photographies et des documents liés aux attentats de 2015, à l’incendie de Notre-Dame de Paris en 2019, et même à la pandémie de Covid-19. Au total, 3 800 œuvres sont exposées sur un kilomètre et demi de parcours, couvrant 3 900 m2 en tout – soit presque une œuvre par mètre carré !
3 800 ŒUVRES SONT EXPOSÉES SUR UN KILOMÈTRE ET DEMI DEPARCOURS, COUVRANT 3900 M2 EN TOUT
Un accrochage dense donc, qui s’accompagne d’un programme de médiation à la hauteur des attentes. Espaces d’écoute, écrans interactifs, entretiens filmés, documentaires, cartels adaptés en gros caractères et en braille, dessins tactiles et 10% des œuvres placées à hauteur d’enfant… Impossible d’ignorer l’accent mis sur l’accessibilité, « un axe fort du chantier de rénovation », confirme Noémie Giard, cheffe du service des publics. « L’idée était de proposer une accessibilité partagée en articulant des textes, des sons, des images tout au long du parcours, au moyen de dispositifs intégrés de manière élégante et discrète par l’agence Nathalie Crinière », ajoute-t-elle.
PLUS DE 10 000 ANS DU ROMAN PARISIEN, DES CHASSEURS-CUEILLEURS DU MÉSOLITHIQUE À LA CAPITALE CONTEMPORAINE
La polémique des chiffres romains passés à la trappe ? Seuls les cartels de « médiation universelle », soit 170 textes sur 3 000, les ont remplacés par les chiffres arabes, comme le préconisent les normes du « Facile à lire et à comprendre » (Falc).
Entre art, histoire et archéologie, le nouveau musée Carnavalet devrait réussir à rassembler Parisiens et touristes autour d’une vision nouvelle, moins désuète, de la capitale française. « Revoir Paris », c’est le titre de la première exposition qui sera présentée dans les nouveaux espaces, à partir du 15 juin. Consacrée à la place de la capitale dans l’œuvre du photographe Henri Cartier-Bresson, elle réunira des clichés en noir et blanc de rues, personnages et événements d’une ville qui a désormais retrouvé son musée, sa mémoire.
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Musée Carnavalet - Histoire de Paris, 23 rue de Sévigné, 75003 Paris.