Depuis la Porte Dauphine, à Paris, lorsqu’on regarde vers l’autre extrémité de l’avenue Foch, une forme informe s’insinue par-delà les frondaisons qui bordent ladite artère. Une forme blanche et mate, hissée en lieu et place du célèbre monument qui y trônait jusqu’alors en majesté : l’Arc de triomphe. Disparu ledit monument, ou presque… Au fur et à mesure que l’on s’approche de la place Charles-de-Gaulle – ex-place de l’Étoile –, le constat s’impose : absents les boucliers et les glaives dressés de l’attique, effacée la frise sculptée qui couronnait l’entablement, exit même les quatre gigantesques hauts-reliefs qui ornaient les pied-droits de l’édifice. L’Arc de triomphe, en réalité, a été entièrement « empaqueté » dans quelque 25 000 m2 de textile bleu-argent, maintenus par pas moins de 3 000 mètres de corde rouge. Reste qu’il n’en est que davantage présent, et sa puissance, par le truchement de cette « apparition-disparition », étrangement amplifiée. L’installation est une œuvre posthume des artistes Christo (1935-2020) et Jeanne-Claude (1935-2009), sa femme. Une œuvre éphémère intitulée L’Arc de Triomphe, Wrapped et pensée il y a exactement 60 ans. Ce projet qu’ils avaient à l’époque jugé eux-mêmes « trop ambitieux à réaliser » n’a d’ailleurs jamais été proposé aux différentes autorités avant 2017. Il est désormais visible du 18 septembre au 3 octobre 2021.
Vus de près, les plis du tissu rappellent les plissés des vêtements antiques. Davantage encore lorsque les rayons de soleil viennent balayer la matière textile, cette dernière se mettant alors à briller et à vibrer à l’envi. « Ce sera comme un objet vivant qui va s’animer dans le vent et refléter la lumière, expliquait Christo. Les plis vont bouger, la surface du monument va devenir sensuelle. Les gens auront envie de toucher l’Arc de triomphe ». Voire de s’enfouir entre ses plis… Car possibilité est, en effet, offerte au visiteur de se glisser derrière le textile, afin d’avaler la flopée de marches qui conduit au sommet. Il découvrira alors que la terrasse panoramique a elle aussi, à la manière d’une œuvre totale, été habillée du tissu argenté. La lumière que ce dernier réfléchit est, ici, à son comble, et la vue, à 360°, toujours à couper le souffle.
« CE SERA COMME UN OBJET VIVANT QUI VA S’ANIMER DANS LE VENT ET REFLÉTER LA LUMIÈRE »
Quoique d’autres fameux monuments parisiens eussent jadis fait l’objet de projets d’empaquetage par les deux artistes, tels le Pont Alexandre III ou l’École militaire, l’Arc de triomphe n’est que le second projet mené à son terme, après celui du Pont-Neuf, en 1985. Initialement prévu en avril 2020, son empaquetage a été reporté deux fois : une première, d’avril à septembre 2020, mais pour la bonne cause, celle de sauvegarder des faucons crécerelles pendant leur nidification sur le monument; puis une seconde, en septembre 2020, à cause la pandémie.
L’un des objectifs essentiels de Christo et Jeanne-Claude était de rendre leur art gratuit et accessible à tous. C’est le cas une nouvelle fois avec L’Arc de triomphe, Wrapped, l’une de leurs dernières œuvres. Le projet, d’un coût officiel de 14 millions d’euros, est, selon Vladimir Yavachev, neveu de Christo et « patron » de la présente aventure, « entièrement autofinancé par l’Estate de Christo V. Javacheff », grâce à la vente de pièces originales des artistes (œuvres, dessins préparatoires, collages, maquettes, lithographies…).
Jeudi 16 septembre, les alpinistes des Charpentiers de Paris étaient encore en train de réaliser les ultimes réglages avant l’ouverture au public, samedi 18 septembre 2021. Suspendus à leurs filins respectifs, ils reçoivent les instructions par le biais de talkies-walkies. Les cordes qu’ils disposent avec une précision extrême ressemblent à s’y méprendre aux traits rouges les figurant sur l’esquisse de Christo. L’effet est pour le moins troublant.
-
VISITE MODE D’EMPLOI
Le plateau de l’Arc de triomphe est accessible gratuitement. Les week-ends des 18-19 et 25-26 septembre, ainsi que celui du 2-3 octobre, la place Charles-de-Gaulle sera fermée à la circulation et deviendra une zone piétonne, de 6 heures du matin le samedi à 2 heures du matin le lundi. L’accès aux espaces intérieurs et à la terrasse panoramique du monument est possible de 10 heures à 23 heures par le tunnel côté Champs-Élysées, comme habituellement, aux visiteurs munis d’un billet (réservation par la billetterie en ligne : https://tickets.monuments-nationaux.fr). Pour ces derniers, le Pass sanitaire est obligatoire à partir de 18 ans (et à partir de 12 ans dès le 30 septembre).