Plusieurs expositions de portraits de la Renaissance ont eu lieu des deux côtés de l’Atlantique au cours des deux dernières décennies, mais celle que le Rijksmuseum d’Amsterdam propose actuellement est exceptionnelle. « Remember Me : Portraits from Dürer to Sofonisba » associe de nouvelles découvertes scientifiques à d’importants prêts.
Les portraits de la Renaissance, généralement peints sur panneau, sont rares et fragiles, et les musées doivent souvent recourir à des médaillons, des camées et des pièces de monnaie pour compléter les dizaines de tableaux de leurs expositions sur ce thème. Tel n’est pas le cas de « Remember Me : Portraits from Dürer to Sofonisba ». Près de 90 des 118 œuvres présentées sont des peintures, dont des chefs-d’œuvre, tels que le Portrait de Ranuccio Farnese par Titien, un tableau délicat du début des années 1540, prêté par la National Gallery of Art de Washington. Il représente un adolescent de la famille papale habillé en chevalier de Malte et à l’allure un peu trop adulte.
La Gemäldegalerie de Berlin a prêté le Portrait d’une jeune femme (vers 1470) de Petrus Christus. Cette œuvre emblématique de la Renaissance du Nord, avec son modèle impassible, n’a quitté Berlin qu’une seule fois au cours des soixante dernières années. La Pologne a prêté quant à elle deux œuvres de Sofonisba Anguissola, peintre lombarde aujourd’hui considérée comme l’une des principales femmes artistes de la Renaissance italienne.
Le Rijksmuseum a restauré pour l’occasion Dix-sept gardes du Kloveniersdoelen d’Amsterdam, portrait de groupe datant de 1529 réalisé par le Néerlandais Dirck Jacobsz. Sa restauration, qui a duré dix-huit mois et s’est achevée en août, a révélé une toute nouvelle peinture, explique Matthias Ubl, co-commissaire de l’exposition, soulignant le fond bleu révélé et des détails réapparus sur les chapeaux des personnages. Selon lui, cette restauration a conduit le musée à considérer que la figure tenant un pinceau en haut à droite pourrait être un autoportrait de l’artiste.
« Remember Me : Portraits from Dürer to Sofonisba », que Matthias Ubl a organisée avec Sara van Dijk, conservatrice junior des textiles au musée, propose également de nouvelles thèses sur certains portraits de la Renaissance allemande. Dans le Portrait d’Hans Urmiller et de son fils (vers 1525) de Barthel Beham, prêté par le Städel Museum de Francfort-sur-le-Main, les conservateurs ont déduit les origines peu nobles d’Urmiller, chambellan du duc Guillaume IV de Bavière, en se fondant sur l’analyse minutieuse par Sara van Dijk de la fourrure de son col et de son chapeau. « Il porte une fourrure provenant du ventre et de la gorge de la martre », fait remarquer Matthias Ubl, alors que « la fourrure du dos de l’animal était réservée à la noblesse ». Il s’agit peut-être d’une « très légère distinction, mais les regardeurs de l’époque l’auraient remarquée », ajoute-t-il.
LE RIJKSMUSEUM A RESTAURÉ « DIX-SEPT GARDES DU KLOVENIERSDOELEN D’AMSTERDAM » DU NÉERLANDAIS DIRCK JACOBSZ
Matthias Ubl s’appuie sur des recherches récentes dans les archives pour justifier l’humilité du magnifique personnage du Portrait de Robert Cheseman (1533) de Hans Holbein le Jeune, prêté par le Mauritshuis de La Haye. Bien qu’il soit représenté tenant un faucon, Robert Cheseman, fonctionnaire à la cour d’Angleterre sous Henri VIII, n’était ni noble, ni fauconnier, comme l’ont soutenu les spécialistes, explique Matthias Ubl. « Robert Cheseman se présente comme un noble, mais il était de la classe moyenne et rien d’autre », affirme-t-il.
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« Remember Me : Portraits from Dürer to Sofonisba », jusqu’au 16 janvier 2022, Rijksmuseum, Amsterdam.