La National Gallery de Londres va célébrer l’anniversaire de sa création en 1824 avec une exposition exceptionnelle sur Vincent van Gogh. Notre édition internationale a révélé que la manifestation se concentrera sur la période provençale de l’artiste, époque durant laquelle il a produit ses plus importantes œuvres.
L’exposition devrait se tenir de septembre 2024 à janvier 2025. Elle comptera au moins 50 œuvres, principalement des peintures, ainsi que quelques dessins. Il s’agira de la plus grande exposition consacrée à Vincent van Gogh au Royaume-Uni depuis celle de la Royal Academy en 2010, qui avait attiré 411 000 visiteurs.
L’exposition de la National Gallery, provisoirement intitulée « Van Gogh : Poets and Lovers », commencera par la période où Van Gogh habitait Arles. Le peintre y arrive de Paris en février 1888, en quête de la puissante lumière du sud de la France. Après avoir d’abord séjourné dans un petit hôtel, il prend une chambre au-dessus d’un café, puis s’installe dans la Maison jaune.
Parmi les prêts internationaux les plus importants figurera la version de La chambre (septembre 1889) de l’Art Institute of Chicago. Cette œuvre offre une vue intime de l’espace habité par l’artiste à l’étage supérieur de la Maison jaune.
En octobre 1888, Vincent van Gogh est rejoint par Paul Gauguin. Au début, ils installent leurs chevalets côte à côte. Mais leur collaboration connaît un épilogue tragique dans la soirée du 23 décembre, lorsque Vincent se mutile l’oreille. Bien que la blessure ait rapidement guéri, les cicatrices mentales subsisteront.
En mai 1889, Van Gogh comprend qu’il est incapable de vivre de manière indépendante. Il s’installe alors dans un asile à la périphérie de la ville voisine de Saint-Rémy-de-Provence, où il reste pendant un an. La peinture est son salut, elle lui donne une raison de vivre.
Une autre toile promise pour l’exposition de Londres est Le parc de l’asile Saint-Paul (novembre 1889) provenant du musée Folkwang d’Essen. Elle représente un enclos où les résidents faisaient de l’exercice sous les arbres, avec une vue lointaine sur les collines des Alpilles.
La National Gallery de Londres est un lieu tout à fait approprié pour organiser une ambitieuse exposition consacrée à Vincent van Gogh, l’un de ses chefs-d’œuvre étant la version originale des Tournesols sur fond jaune. Ce tableau a été peint en août 1888 pour décorer la chambre de Gauguin.
L’exposition reviendra sur l’histoire étonnante de l’arrivée des Tournesols à Londres. En décembre 1910, le tableau lui a été prêté par Jo Bonger, belle-sœur de Vincent, pour faire partie de l’exposition postimpressionniste révolutionnaire du commissaire Roger Fry. Le tableau a eu une grande influence sur l’avant-garde britannique et a été publié en frontispice du livre de Charles Hind, The Post Impressionists, en 1911.
Les Tournesols sont retournés à Londres dans le cadre d’un prêt en décembre 1923, pour la première exposition personnelle de Van Gogh au Royaume-Uni, aux Leicester Galleries. À cette époque, la National Gallery commençait tout juste à acquérir de l’art moderne européen, grâce à une donation extrêmement généreuse de 50 000 livres sterling de Samuel Courtauld. Jim Ede, un jeune conservateur du musée, se met alors en tête d’essayer d’acquérir les Tournesols.
Jo Bonger, qui avait hérité de centaines de tableaux de Vincent, refuse poliment sa demande en octobre 1923 : « Les Tournesols ne sont pas à vendre, jamais ; ils appartiennent à notre famille ». Jim Ede réessaye en janvier 1924. Jo Bonger lui envoie cette réponse émouvante : « Pendant deux jours, j’ai essayé d’endurcir mon cœur contre votre demande ; j’ai eu l’impression que je ne pouvais pas supporter de me séparer du tableau, que j’ai regardé chaque jour pendant plus de 30 ans. Mais à la fin, votre requête s’est avérée irrésistible. Je sais qu’aucun tableau ne représenterait Vincent dans votre célèbre musée d’une manière plus digne que les Tournesols, et que lui-même, “le Peintre des Tournesols”, aurait aimé qu’il y soit... C’est un sacrifice pour la gloire de Vincent ». Le prix fixé est alors de 1 300 livres sterling.
Ce que l’on sait moins, c’est que Jo Bonger a très vite compris que sa décision avait été la bonne. Le 12 mars, moins de deux mois plus tard, elle écrit à Paul Gachet Jr, le fils du médecin qui a soigné Vincent à la fin de sa vie. Jo Bonger lui annonce que les Tournesols restent à Londres : « Je suis si heureuse », écrit-elle.
Les Tournesols ont d’abord été exposés à Millbank, dans ce qui allait devenir le bâtiment de la Tate Britain. En 1961, le tableau a été déplacé à la National Gallery sur Trafalgar Square.
Cette œuvre de Van Gogh est désormais l’un des tableaux les plus célèbres au monde. Il y a dix ans, avant que les images prises par des téléphones portables ne deviennent omniprésentes, il était la carte postale la plus vendue de la National Gallery (26 000 par an). On raconte que le sol devant les Tournesols est le plus marqué par les pas des millions de visiteurs venus le contempler.
Célébrer le centenaire de l’acquisition des Tournesols est une raison suffisante pour que Van Gogh soit l’exposition principale du bicentenaire du musée, mais il y a un autre anniversaire. En 1874, soit 150 ans avant l’exposition prévue à Londres, Van Gogh a vécu à Brixton, dans le sud de Londres, et a travaillé comme jeune assistant à la galerie Goupil de Covent Garden.
La National Gallery n’étant qu’à cinq minutes à pied de son travail d’alors, il la fréquentait régulièrement, très probablement à l’heure du déjeuner. Bien des années plus tard, Vincent se souvenait y avoir vu des tableaux de Constable, Rembrandt (une œuvre aujourd’hui attribuée à Nicolas Maes) et Hobbema. À l’époque, Vincent ne semble pas avoir encore envisagé de devenir un artiste professionnel, et encore moins que ses tableaux puissent entrer à la National Gallery de Londres – ni que l’une de ses peintures deviendrait finalement son œuvre la plus populaire.