Certaines œuvres d’art restent dans les réserves non pas parce que personne ne s’y intéresse, mais parce qu’elles sont tout simplement trop difficiles à exposer. Par exemple, une gravure de 16 mètres de long représentant le cortège funéraire, avec les personnes en deuil qui ont assisté aux funérailles de Frederick Henry, prince d’Orange-Nassau, en 1647, s’étend sur 30 feuilles de papier qui sont difficiles à assembler (et encore plus à exposer, une fois que cette frise exceptionnelle a été reconstituée).
C’est l’une des raisons pour lesquelles les expositions d’œuvres sur papier présentent généralement de précieux fragments de la taille d’un feuillet, soigneusement encadrés ou disposés dans des vitrines, sous une lumière tamisée. « Les petites œuvres peuvent être stockées plus facilement et risquent moins d’être endommagées, c’est pourquoi elles sont souvent majoritaires dans les salles présentant les collections de gravures », explique Maud van Suylen, commissaire de l’exposition « XXL Paper » au Rijksmuseum d’Amsterdam. Et d’ajouter : « Pendant des siècles, cependant, les artistes ont également créé des œuvres monumentales sur papier ».
L’exposition présente 27 des plus grandes œuvres sur papier de la collection permanente du musée. Certaines d’entre elles n’ont jamais été montrées auparavant, en grande partie à cause des défis que constitue la présentation de pièces de la taille d’une salle entière sur un support délicat.
Ces spécimens XL couvrent une vaste période allant du XVIe au XXIe siècles. Ils mettent en évidence les multiples raisons pour lesquelles le papier est utilisé dans un format aussi grand, des dessins pour des vitraux à un rare retable en papier, en passant par un arbre généalogique gravé sur bois pour Charles Quint. L’un des points forts de l’exposition est un paysage « cyclorama » redécouvert, mesurant 23 mètres de long. Datant du XIXe siècle, attribué à Heinrich Heyl et Gebroeders Borgmann, il était roulé dans un entrepôt depuis des décennies. Les cycloramas sont des images panoramiques de grande échelle montées dans un support cylindrique, donnant aux spectateurs l’illusion de se tenir dans un paysage avec des vues à 360 degrés.
Ce mystérieux rouleau de papier a été déroulé en 2018, alors que le Rijksmuseum transférait ses réserves vers un nouveau lieu. « La seule trace que nous avions de cette œuvre était une fiche d’inventaire de 1962, qui décrivait brièvement la pièce comme un papier peint, explique Van Suylen. Après des recherches approfondies et des travaux de restauration, il apparaît aujourd’hui qu’il s’agit en fait du fragment d’un panorama en mouvement. Nous l’avons identifié comme étant la plus longue partie restante de ce qui était connu sous le nom de Reuzen- Cyclorama [cyclorama géant] ou Cyclorama Reichardt, du nom de son propriétaire allemand. »
Le panorama original, d’une longueur incroyable de 1,5 kilomètre, était devenu une célébrité et a parcouru les Pays-Bas, la Belgique et la Grande-Bretagne entre 1853 et 1855. Comme l’exposition ne peut pas accueillir le dispositif circulaire dans lequel le paysage était montré à l’origine, le fragment couvre les murs d’une salle qui lui est entièrement consacrée.
« « XXL Paper » est née de l’idée de donner une visibilité à ces œuvres fragiles, grandes et rares de la collection du musée, explique Maud van Suylen. Elles sont généralement considérées comme trop difficiles à montrer et il n’y a pas assez d’espace pour les exposer dans toute leur splendeur. » Ce n’est plus le cas ici.
« XXL Paper », jusqu’au 4 septembre 2022, Rijksmuseum, Museumstraat 1, Amsterdam, Pays-Bas.