Lorsque la première édition de la Biennale d’Istanbul s’est déroulée à l’automne 1987, la Turquie ne possédait pas de musée d’art contemporain. Aujourd’hui, de nombreuses institutions dédiées à l’art ont vu le jour dans la ville, à l’exemple du musée d’art contemporain privé Arter, installé depuis 2019 dans un magnifique bâtiment signé David Chipperfield Architects. Elles l’ont fait sous l’œil attentif et la menace implicite du régime de Recep Tayyip Erdoğan.
L’ouverture d’Istanbul Modern en 2004 – dans un ancien entrepôt du quartier de Karaköy, surplombant le Bosphore – a permis de proposer dans le pays un musée non pas consacré à l’art byzantin ou ottoman, mais aux artistes contemporains turcs.
Après quatre ans de travaux – pendant lesquels la collection a été temporairement exposée dans un bâtiment voisin datant du XIXe siècle –, un nouvel Istanbul Modern, sur cinq étages et 15 000 mètres carrés, devrait ouvrir ses portes plus tard cette année. Conçu par l’architecte Renzo Piano sur le site d’origine du musée, le lieu pourrait être inauguré pendant la 17e Biennale d’Istanbul, qui a ouvert ses portes le 17 septembre et se poursuit jusqu’au 20 novembre.
Selon Bige Örer, directrice de la biennale et des projets d’art contemporain à la Fondation d’Istanbul pour la culture et les arts (İstanbul Kültür Sanat Vakfı ou İKSV), la biennale est essentielle pour favoriser le « retour du public au musée » à Istanbul. « En occupant des musées existants, mais aussi en fonctionnant comme une institution temporaire, la Biennale offre un accès à des problématiques contemporaines mondiales à une foule curieuse », explique Bige Örer.
La biennale est accueillie cette année au Pera Museum, mais elle se déploie aussi de plus en plus dans des sites patrimoniaux de la ville. Müze Gazhane, un centre d’art installé depuis l’an dernier sur le site d’une ancienne usine à gaz, est utilisé pour la première fois comme espace d’exposition. Deux hammams historiques, une école de filles grecque du XIXe siècle et la maison-atelier du calligraphe du XXe siècle Emin Barin figurent parmi les autres lieux d’exposition de la biennale.
Le Pera Museum, Istanbul Modern, Arter et de nombreuses autres institutions artistiques sont des initiatives privées d’éminents collectionneurs turcs ou d’organisations affiliées. Compte tenu du contrôle de l’expression publique, le secteur des musées a bénéficié de cette privatisation. « Tant que la programmation est confiée à des experts et que les communautés locales ne sont pas négligées, ce nouveau secteur a la possibilité de se développer », affirme Bige Örer.