Née en 1944, Liliane Durand-Dessert, professeure de littérature à l’université de Nancy, rencontre Michel Durand, publicitaire et amateur d’art, au début des années 1970, chez Bernard Rancillac. En 1975, ils installent leur galerie parisienne rue de Montmorency, dans le Marais, et y organisent la première exposition de Gerhard Richter à Paris. Aucune toile ne sera vendue. Galeristes éclectiques, hors des modes, animés par un bel esprit avant-gardiste, les Durand-Dessert continueront de défendre ardemment la création contemporaine, contribuant à former le goût de toute une génération de collectionneurs dans « le climat très particulier de la capitale au milieu des années 1970, au moment de leur démarrage, rappelle un article que leur a consacré La Gazette Drouot. La galerie Templon, les revues Art Press et Tel Quel accaparaient le paysage culturel avec Supports/Surfaces ; la France était tétanisée par la déferlante américaine. Spontanément, Liliane et Michel Durand-Dessert se tournent vers l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique puis l’Italie. Ils font le choix de l’Europe, dans une ville et un pays plutôt fermés. Les premières années, les acheteurs sont rares. »
En 1982, ils inaugurent un nouvel espace, toujours dans le Marais, avec une installation de Joseph Beuys, intitulée Dernier espace avec introspecteur. Avec l’artiste allemand et son assistant, le couple participe à la création de l’œuvre, qui nécessite cinq cents kilos de cire d’abeille, et autant de beurre. « Nous avons travaillé tout à fait isolés, toute la journée, de bonne heure le matin, tard le soir, presque en dehors du temps, se souvient Liliane Durand-Dessert dans le catalogue de l’exposition. C’est l’une des expériences les plus extraordinaires que nous ayons eue à vivre à la galerie, tant sur le plan humain que sur le plan esthétique. »
Grands défenseurs de l’arte povera, ils présenteront ses figures majeures, Michelangelo Pistoletto, Giovanni Anselmo, Pino Pascali et Mario Merz, ou l'un des précurseurs du mouvement, Piero Manzoni. Souvent là où on ne les attendait pas, ils exposent Gérard Garouste, Bertrand Lavier, François Morellet… La reconnaissance internationale venue, les Durand-Dessert ont conservé leur galerie rue de Lappe, ouverte en 1991 près de la Bastille, jusqu’en 2004. Un lieu qui a vu défiler le Tout-Paris, et proposait « des individualités plutôt que des écoles, tout en affirmant le caractère dialectique de ses choix ».
La même année, une exposition au musée de Grenoble rend hommage au travail accompli : « L’art au futur antérieur. L’engagement d’une galerie. Liliane et Michel Durand-Dessert. 1975-2004 ». « Le paysage de l’art contemporain en France a connu ces trente dernières années de tels bouleversements qu’il est difficile d’imaginer combien il fallait d’esprit d’aventure, de détermination, de courage enfin, pour ouvrir au milieu des années soixante-dix à Paris une galerie, écrit Guy Tosatto dans la préface du catalogue. En effet, lorsque Liliane et Michel Durand-Dessert décident d’aménager un espace rue de Montmorency pour défendre et faire connaître les artistes dans lesquels ils croient, peu auraient parié sur la réussite de leur entreprise. Trois décennies plus tard le résultat est indiscutable : avec des moyens fort modestes à leurs débuts mais une foi inébranlable en l’art, ils ont écrit une page significative de l’histoire de la création contemporaine. »
En 2005, une partie de leur collection contemporaine est dispersée chez Sotheby’s. Le couple se tourne alors vers les arts premiers – une passion ancienne – en acquérant d’exceptionnelles œuvres, notamment africaines puis asiatiques. Leur donation d’œuvres d’art contemporain au musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne a récemment fait l’objet d’une exposition : « Double je. Donation Durand-Dessert & collections MAMC + ». Y figurait également un ensemble de pièces précolombiennes.
« Liliane Durand-Dessert aura été une galeriste et une collectionneuse visionnaire. Durant plus de trente ans, elle n’aura cessé de défendre avec conviction, en compagnie de son époux Michel, les plus grands noms de l’art contemporain. Leur générosité était à la hauteur de leur curiosité : au début de l’année 2022, le couple donnait quelque soixante œuvres au Centre Pompidou, dont une large partie signée par Gérard Garouste », a salué Xavier Rey, directeur du musée national d’art moderne / Centre de création industrielle.