Aline Kominsky-Crumb, née Aline Goldsmith à Long Island, dans l’État de New York, en 1948, s’est éteinte des suites d'un cancer du pancréas le 30 novembre dans le Sud de la France, où elle vivait depuis 1991. Figure pionnière dans le monde de la bande dessinée alternative aux États-Unis, elle laisse une œuvre singulière tout en ayant accompagné la carrière de Robert Crumb. Le couple a présenté en février 2022 une exposition intitulée « Sauve qui peut ! (Run for Your Life) », de concert avec leur fille Sophie, également dessinatrice, à la galerie David Zwirner, à Paris. Chez les Crumb, le dessin est une affaire de famille. Dans le long entretien qu’il nous a accordé à cette occasion, R. Crumb revenait sur leur rencontre haute en couleur en 1971, en pleine révolution sexuelle et mouvement psychédélique à San Francisco. Légende vivante (et controversée), auteur de comics « olé olé » peu porté sur le politiquement correct, l’artiste n’hésitait pas à rendre un vibrant hommage au talent de sa muse et alter ego, entourés de leurs trois petits-enfants lors du vernissage, dans la joie et l'allégresse.
Après avoir étudié les beaux-arts à l’Université de l’Arizona à Tucson, Aline Kominsky-Crumb a été l’une des premières collaboratrices de l’anthologie Wimmen’s Comix, parue en 1971. En 1976, elle crée la série Twisted Sisters avec Diane Noomin (1947-2022). Puis elle devient, dans les années 1980, rédactrice en chef de Weirdo, influente bande dessinée alternative à laquelle elle contribue en tant que dessinatrice. Une édition enrichie de Love That Bunch, initialement parue en 1990, a été publiée en 2018 par Drawn & Quarterly, comprenant des caricatures, des dessins et des illustrations réalisés tout au long de sa carrière. Des projets communs ont également vu le jour avec R. Crumb : Aline and Bob’s Dirty Laundry Comics (1974) et, plus récemment, Bad Diet & Bad Hair Destroy Human Civilization (2020). Pour l’exposition parisienne, ils avaient conçu un facétieux magazine : Sauve-qui-peut Comics and drawings.
« Je suis restée à l’écart du mainstream toute ma vie, en partie parce que mon travail ne l’est pas, avait-elle alors déclaré à Artforum. [...] Aujourd’hui, mon œuvre est enseignée à Harvard et des femmes y ont consacré des doctorats, ce qui m’étonne vraiment. La boucle est bouclée, si on s’accroche assez longtemps. Et je suppose que si votre travail a du sens, il finit par être reconnu par l’establishment. Vous pouvez être anticonformiste et dire "non" à tout [...], mais si vous dites "oui", plus de gens liront votre travail, et c’est pour cela que vous le faites : pour communiquer. »
Exposés dans de nombreuses institutions – au DCKT Contemporary de New York (2014) ; au Art and Culture Center d’Hollywood en Floride (2014) ; au Museum of Comic and Cartoon Art de New York (2012) –, les dessins d’Aline Kominsky-Crumb ont notamment été publiés dans Artforum, The New York Times et The New Yorker.