Gravée sur des tablettes d’argile entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire, maintes fois copiée et recopiée, L’Épopée de Gilgamesh est un récit initiatique qui voit Gilgamesh, le cinquième roi de la dynastie d’Ourouk, devenir, au fil des épreuves, un souverain idéal empreint de fragilité et de sagesse. Il fallait bien toute l’audace de l’éditrice Diane de Selliers pour redonner vie et ampleur à ce texte magistral en en confiant la traduction poétique au chanteur et compositeur d’origine syrienne Abed Azrié. Sous la plume de cet aède des temps modernes, Gilgamesh se montre ainsi terriblement humain dans ses rêves d’orgueil et de gloire, dans sa confiance et ses doutes, dans sa découverte de l’amitié et sa perte de l’être cher (Enkidu). Tourner les pages de ce splendide ouvrage, c’est plonger dans ces temps archaïques où de terribles démons emplissaient d’effroi la surface de la Terre, où de sensuelles courtisanes tentaient, par leurs charmes, d’apprivoiser la sauvagerie des hommes, où la frontière était encore ténue entre la réalité et le rêve...
« Sculpteur de lumière » comme il se définit, le photographe Jean-Christophe Ballot a, quant à lui, hissé ce conte moral au rang de méditation universelle. Guidé dans son cheminement artistique par Ariane Thomas, la directrice du département des Antiquités orientales du musée du Louvre, il a trouvé la puissance poétique d’un Pier Paolo Pasolini pour portraiturer, en de somptueux clichés noir et blanc, statues géantes et figurines, tablettes d’argile et sceaux-cylindres, mais aussi chefs-d’œuvre de la Mésopotamie antique dispersés à travers le monde, de Berlin à Londres, en passant par Bagdad.
« Nous voulions théâtraliser l’épopée afin de redonner vie au héros », écrit Diane de Selliers en guise de préface. Bien davantage qu’un livre d’art, son dernier opus est une vibrante leçon d’humanité...
« L’Épopée de Gilgamesh », illustrée par l’art mésopotamien, traduit de l’arabe par Abed Azrié, photographies Jean-Christophe Ballot, direction scientifique de l’iconographie et introduction Ariane Thomas, Paris, Éditions Diane de Selliers, 280 pages, 230 euros. Tirage de tête de 115 exemplaires contenant une photographie signée, 880 euros.