Né en 1956, Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia à Paris, a été emporté par une rupture d’anévrisme le 19 décembre. Après avoir été conservateur des estampes et des dessins au Museum Boijmans Van Beuningen à Rotterdam puis directeur du Cabinet des arts graphiques du Rijksmuseum d’Amsterdam à partir de 2001, il avait pris en 2010 la direction de la Fondation Custodia à Paris. Il y a complété la collection de Frits Lugt et de sa femme, entre autres réputée pour ses dessins hollandais du XVIIe siècle, conservés dans l’hôtel particulier de Lévis-Mirepoix, dans le 7e arrondissement.
On lui doit d’avoir montré d’importantes collections à Paris, dans des expositions mémorables : « De Bosch à Bloemaert » (2014), « Entre Goltzius et Van Gogh. Dessins et tableaux de la Fondation P. & N. De Boer » (2015), « Raphaël, Titien, Michel-Ange » (2015), dessins des maîtres italiens de la Renaissance du Städel Museum de Francfort, ou « Cinq cents ans de dessins de maîtres » (2019), première grande rétrospective des œuvres graphiques du musée Pouchkine en France couvrant les écoles européennes et russes, du XVe au XXe siècle.
Sous sa direction, la Fondation Custodia a également organisé des monographies consacrées à Christoffer Wilhelm Eckersberg (2016), Georges Michel (2018), Frans Hals (2019) et Willem Bastiaan Tholen (2019), mais aussi à des créateurs contemporains : Arie Schippers, Gèr Boosten, Marian Plug ou encore Siemen Dijkstra.
Ger Luijten avait été nommé en 2019 au conseil d’administration de l’Association Rembrandt aux Pays-Bas. À l’annonce de sa disparition, de nombreux professionnels internationaux ont salué l’œil exceptionnel de ce spécialiste du dessin ancien, moderne et contemporain.
« En 1977, j’ai suivi une formation de professeur de dessin à Breda, se souvenait Ger Luijten dans un entretien à la revue néerlandaise Kunstschrift en septembre 2019. J’avais vingt et un ans et j’allais voir tout ce qui avait trait à l’art – l’ancien et l’actuel, les performances au centre d’art De Appel à Amsterdam. Cet été-là, nous nous sommes rendus en Volkswagen Coccinelle à la Documenta 6 de Cassel. Nous y avons vu Honey Pump de Beuys, l’art vidéo de Bill Viola et Nam June Paik, ainsi qu’une exposition de dessins qui m’a fait une impression inoubliable. Ce que l’on peut faire avec un crayon ! À l’époque, il y avait le pop art, le conceptuel, le minimal et le réalisme narratif – Hanne Darboven, Valerio Adami, Chuck Close et Werner Tübke, tous réunis sous un même toit. À la même période, j’ai également lu les entretiens de David Sylvester avec Francis Bacon. Les souvenirs personnels des artistes sur leur propre travail restent mes préférés. Ma décision de faire des études d’histoire de l’art m’a été inspirée par un professeur fantastique à l’école d’art, Henny Engbersen, qui est décédé en avril [2019]. Henny savait vraiment comment regarder. Il parlait de Brunelleschi et Ghiberti, Millet et Van Gogh, Saul Steinberg et Ralph Steadman, toujours en les comparant à l’aide de deux projecteurs. Il nous a appris le vocabulaire pour parler de l’art. Un esprit ouvert et un œil attentif. »