Le marathon des maîtres anciens chez Sotheby’s à New York, le 26 janvier 2023, a ressemblé à une pièce de théâtre en quatre actes avec des entractes. La session a rapporté 74,5 millions de dollars (89,7 millions de dollars avec les frais), établissant un record pour Bronzino, avec Portrait d’un jeune homme avec une plume d’oie et une feuille de papier, probablement un autoportrait de l’artiste (vers 1527) – une œuvre restituée après avoir été spoliée par les nazis. Les estimations des 124 lots proposés dans les quatre ventes du matin et de l’après-midi se situaient entre 77,5 et 111,9 millions de dollars, des montants peut-être trop ambitieux compte tenu de l’état du marché. Dix lots étaient accompagnés de garanties de la maison de ventes et/ou d’offres irrévocables. La veille, Christie’s n’avait pas non plus atteint son estimation initiale, avec 62,7 millions de dollars (frais compris) pour ses deux ventes de prestige.
La session de Sotheby’s a commencé par un résultat de haute volée pour dix œuvres baroques ayant appartenu aux collectionneurs Mark Fisch et Rachel Davidson, aujourd’hui en instance de divorce. Cet ensemble comprenait une sanglante et dramatique Salomé présentant la tête de saint Jean Baptiste (1609) de Pierre-Paul Rubens, qui a atteint le prix record de 23,5 millions de dollars (26,9 millions de dollars avec les frais), juste en dessous de son estimation basse de 25 millions de dollars. Le tableau avait été vendu aux enchères pour la dernière fois chez Sotheby’s à New York en janvier 1998 pour 5,5 millions de dollars. La grande composition d’Orazio Gentileschi, Sainte Marie-Madeleine pénitente, dont la figure partiellement dénudée s’appuie sur un livre ouvert, a atteint son estimation basse de 4 millions de dollars (4,8 millions de dollars avec les frais). Le Rubens bénéficiait d’une offre irrévocable et le Gentileschi était soutenu par une garantie.
Une courte pause a suivi la vente de la collection Fisch-Davidson qui avait fait salle comble, et a précédé le début de l’adjudication de tableaux hollandais ayant appartenu à la défunte collectionneuse de Seattle Theiline Scheumann. Ces œuvres ont obtenu des résultats plus mitigés, avec en tête l’enluminure Une jeune femme scellant une lettre à la lumière d’une bougie (1667), de Frans van Mieris l’Ancien, qui a dépassé son estimation haute de 2 millions de dollars pour atteindre 2,2 millions de dollars (2,7 millions de dollars avec les frais).
Un autre bon résultat a couronné l’étonnant tableau de Jan van der Heyden Une vue imaginaire d’un canal tranquille à Amsterdam, qui a rapporté 1 million de dollars (1,2 million de dollars avec les frais), contre une estimation de 1 million à 1,5 million de dollars avant la vente.
Une autre pause-café a précédé le clou de la session, la vente de tableaux de maîtres, Partie I, dont l’estimation totale était de 23 à 33,9 millions de dollars (sans les frais). La vente a connu un certain nombre de déconvenues, ainsi que de brèves envolées, avec un taux de vente par lots de seulement 60,4 %.
Un petit bijou, une composition exécutée sur un fond d’or à Florence par le maître de l’Annonciation Spinola, a été vendu à son estimation basse de 2 millions de dollars (2,4 millions avec les frais). Ce résultat a établi un nouveau record aux enchères pour l’œuvre du peintre du XIVe siècle.
Les œuvres italiennes se sont distinguées parmi les plus de 50 lots de la vente, avec l’intense Portrait en buste d’un homme avec moustache et barbe (1587-1590) d’Annibal Carrache, qui a rapporté 120 000 dollars (151 200 dollars avec les frais) contre une estimation de 150 000 à 200 000 dollars. L’étonnant lot de couverture du catalogue, récemment redécouvert et issu d’une restitution, Portrait d’un jeune homme avec une plume d’oie et une feuille de papier, probablement un autoportrait de l’artiste (vers 1527) de Bronzino, a quant à lui presque doublé son estimation haute de 5 millions de dollars, pour atteindre un record de 9 millions de dollars (10, 6 millions avec les frais). Au moins quatre enchérisseurs ont bataillé pour le portrait de Bronzino, y compris un sous-enchérisseur en ligne. Le lot le plus cher de la vente a été adjugé à un homme assis dans la salle, jusqu’ici non identifié. Le tableau a dépassé le Portrait d’un jeune homme avec un livre du même artiste, vendu chez Christie’s à New York en janvier 2015 pour 9,1 millions de dollars avec les frais.
Ce portrait était resté pendant des décennies dans un immeuble de bureaux du gouvernement allemand sans que son origine ne soit connue, avant d’être restitué en 2021 à la succession de Gertrude (Trudy) Sommer, la fille de la propriétaire d’origine, Ilsa Hesselberger. Cette dernière avait acquis ce tableau en 1927, mais sa collection d’art et ses biens avaient été ensuite spoliés par les nazis. Elle a péri en 1941 dans un camp de concentration à l’âge de 51 ans. L’intégralité du produit net de la vente de ce tableau sera reversée à des œuvres de bienfaisance, dont les Selfhelp Community Services.
Un autre lot vedette, l’émouvante Étude pour Saint Jérôme d’Anthony van Dyck, huile sur toile marouflée sur panneau et représentant le saint barbu nu et assis les bras tendus, a rapporté 2,5 millions de dollars (3 millions de dollars avec les frais), dans son estimation de 2 à 3 millions de dollars. L’œuvre était mise à l’encan avec la garantie d’un tiers.
Toujours dans une veine religieuse, le sombre mais dramatique Ecce Homo du Titien, représentant un Christ ligoté avec la couronne d’épines et un garde casqué posté à ses côtés, est parti pour 1,7 million de dollars (2,1 millions avec les frais), contre une estimation de 1,5 à 2 millions. Il a été vendu la dernière fois avec pour attribution « Atelier du Titien », et pour titre Le Christ en homme de douleur, chez Christie’s à New York en octobre 2019, pour 206 250 dollars avec les frais. Dans l’intervalle, le tableau a été nettoyé et est considéré dorénavant comme autographe.
Reflétant une humeur plus légère, le Cortège de noce (1630) de Pieter Brueghel le Jeune, comprenant un joueur de cornemuse, a atteint 1,8 million de dollars (2,2 millions avec les frais), juste en dessous de son estimation basse de 2 millions de dollars.
Alors que l’intérêt des acheteurs semblait parfois baisser, la fièvre est réapparue pour le Portrait de l’honorable Mme Lucy Loftus de Peter Lely, qui a dépassé son estimation haute de 300 000 dollars pour atteindre 1,2 million de dollars (1,5 million de dollars avec les frais).
La journée s’est terminée par la vente « Bouguereau and His Circle : Then and Now ». Ces 49 lots comprenaient des œuvres du peintre académique français du XIXe siècle William-Adolphe Bouguereau et de ses contemporains. La douce Petite Mère d’Elizabeth Jane Gardner Bouguereau a rapporté 320 000 dollars au marteau (403 200 dollars avec les frais), contre une estimation de 300 000 à 500 000 dollars.