Quelle est l’estimation d’une copie ? Certaines de La Joconde s’envolent régulièrement aux enchères. Une copie du Salvator Mundi de Léonard de Vinci a récemment été adjugée pour plus de 1 million d’euros lors d’une vente en ligne de Christie’s à Paris. Ce tableau, présenté au catalogue comme une copie réalisée près d’un siècle après l’original, avait été estimé entre 10 000 et 15 000 euros seulement. À première vue, cette œuvre n’avait rien d’excitant. Elle présente de nombreux manques, notamment au niveau du vêtement du Christ. Son visage semble également peint avec trop d’emphase. Mais une photographie à plus haute résolution a révélé un repeint, en particulier dans les zones autour des yeux. Et la copie pourrait être presque contemporaine de l’original. La manche du bras droit du Christ, en position de bénédiction, diffère de celle de l’original et de presque toutes les copies connues, qui présentent un morceau de tissu tombant. Ici, elle évoque un dessin attribué à Léonard de Vinci appartenant à la collection de la famille royale britannique, qui montre une manche fermée par un bouton. Un autre tableau, connu aujourd’hui uniquement par des photographies, présente la même manche boutonnée. Cette copie, dite «de Yarborough», a été récemment présentée par Martin Clayton lors d’une conférence à Leipzig consacrée à une autre version du Salvator Mundi, celle qui a été vendue 450 millions de dollars par Christie’s en 2017. L’historien d’art a suggéré que cette manche dissemblable pourrait indiquer qu’un autre tableau original perdu, peut-être réalisé par Léonard lui-même, aurait été produit en parallèle. Il est possible que le tableau vendu par Christie’s soit cette deuxième version perdue, ce qui constituerait un ultime rebondissement le concernant : Christie’s a adjugé une version pour 450 millions de dollars et en a proposé une autre pour une estimation de seulement 10 000 euros. Il est douteux que le tableau vendu à Paris soit de Léonard, mais il revêt potentiellement une importance considérable pour l’histoire de l’art, si nous parvenons à déterminer sa place parmi les autres Salvator Mundi. Il ne semble pas être une simple copie du tableau de Yarborough, car des détails tels que les bijoux et les cheveux sont très différents. Au contraire, à l’exception de la manche, le tableau de Paris est plus proche de la copie, dite «de Ganay», qui a été présentée par de nombreuses autorités, dont le Museo Nacional del Prado, à Madrid, et le musée du Louvre, à Paris, comme étant «une version de haute qualité» exécutée dans l’atelier de Léonard. Néanmoins, cette hypothèse pose question : la copie de Ganay pourrait plutôt avoir été peinte par le ou les artiste(s) qui ont été en possession des dessins de Léonard après sa mort. À partir de ces feuilles, ils ont pu réaliser des copies du Salvator Mundi original, dont certaines comportent des différences, comme la manche, en fonction du dessin ou du carton qu’ils avaient pour modèle. Le tableau de Paris pourrait ainsi faire partie de ce groupe. Si tel est le cas, l’enchère de 1 million d’euros aura été une bonne affaire. Toutefois, nous allons continuer à chercher la deuxième version… si jamais elle a existé.
Salvator Mundi : une nouvelle version pose question
Adjugée chez Christie’s pour 1 million d’euros, cette version pourrait être plus ancienne que ce que l’on pensait. Une hypothèse fondée sur l’observation d’un détail de la composition.
30 janvier 2023