Le Mobilier national dispose d’un budget annuel d’acquisitions de 1 million d’euros, dont 300 000 euros ont été consacrés aux pièces révélées le 1er février 2023. Ces objets – prototypes ou séries limitées – ont été sélectionnés par un jury comptant 12 membres, dont la designeuse India Mahdavi et Marie-Ange Brayer, conservatrice et cheffe du service design et prospective industrielle du musée national d’art moderne/Centre Pompidou. Le budget de 700 000 euros restants est dévolu aux pièces pouvant faire l’objet d’une production plus importante.
Basé aux Gobelins, le Mobilier national a été fondé il y a plus de trois siècles et demi. Son fonds comprend des meubles de l’ébéniste de Louis XIV André-Charles Boulle (1642-1732), des pièces de l’époque de Napoléon 1er jusqu’à nos jours. « Le Mobilier national a pour mission de meubler les lieux officiels de la République française – ministères et ambassades – et de soutenir la création dans le domaine des arts créatifs et du design », nous a déclaré Hervé Lemoine, son directeur.
Les acquisitions de jeunes designers et d’autres plus établis reflètent les tendances actuelles de la réinterprétation des formes classiques avec une vision contemporaine.
Thierry Jeannot, installé au Mexique depuis 1996, a façonné un lustre scintillant, Transmutation Numéro 14, à partir de milliers de morceaux de plastique transparent recyclé. « Au Mexique, il paie des gens pour qu’ils collectent et lui apportent des bouteilles en plastique, raconte Hervé Lemoine. Il a un atelier où des personnes découpent le plastique selon ses instructions. Quand on voit de loin ce lustre, on a l’impression qu’il est fabriqué à partir de matières précieuses, comme des pendentifs en cristal, mais en fait il est fait à partir de matériaux recyclés ».
Parmi les autres coups de cœur d’Hervé Lemoine figurent la bibliothèque noire et organique Rhizome de Pierre Bonnefille – « une magnifique sculpture », dit Hervé Lemoine – et le fauteuil bleu profond Pulse de Joëlle Rigal. Ce dernier a été réalisé en collaboration avec l’éditeur Biobject et Tapissier Seigneur. Aux formes empilées, il a été créé avec de la mousse sur une structure en bois – des « matériaux recyclés », selon Hervé Lemoine. « Il y a un côté un peu vintage dans l’esthétique mais c’est très contemporain », précise le directeur du Mobilier national.
Hervé Lemoine cite également le buffet Boo vert foncé de Simon Cabrol – une forme classique mais sensuelle avec son revêtement nacré, ses trois portes arrondies et ses pieds cylindriques. « J’aime voir des choses à la fois très marquées en termes de temporalité et puis d’autres tout à fait intemporelles », dit Hervé Lemoine.
Ce vaste ensemble témoigne du désir des jeunes talents d’expérimenter les matériaux, comme l’illustre la console Pli de Victoria Wilmotte. « Je travaille beaucoup avec l’acier et le pliage car je suis très influencée par l’industrie, explique cette dernière. Cette pièce a été réalisée en pliant une seule feuille d’aluminium, découpée au laser, tandis que deux tubes la traversent. J’aime faire contraster le côté très industriel, brut, avec un aspect très fini, luxueux, du vernis et ajouter une touche de couleur ».
Plusieurs designers ont édité eux-mêmes des pièces. Pierre Salagnac travaillait en tant qu’apprenti lorsqu’il a conçu sa table Elan mais il a dû économiser pendant plusieurs années pour pouvoir la produire. « C’est ma première sculpture mais au départ je n’avais pas les moyens de la réaliser en bronze, explique le designer. J’ai dû attendre pour économiser de l’argent. Et une fois que je l’ai réalisée en bronze, je n’ai pas eu le réseau pour la vendre ».
Tim Leclabart s’est lui passionné pour le design brésilien lorsqu’il travaillait à la Galerie Alexandre Guillemain et à la Galerie James (aujourd’hui fermée). Cela l’a incité à se rendre au Brésil, où il a observé le fils du célèbre designer moderniste brésilien José Zanine Caldas travailler dans son atelier. À son retour, il a conçu le fauteuil Canne, qui présente une forme élégante et architecturale.
Parmi les autres pièces phares de ces nouvelles acquisitions, figure le guéridon Princely de Coralie Beauchamp. C’est la première fois que la designer, connue pour ses lampes, se lance dans le mobilier. « J’ai toujours eu envie de rester dans le classique contemporain et moderne à la fois, et de revisiter le guéridon. Cette couleur a été choisie pour le Mobilier national car elle est très chic, très royale », souligne-t-elle.