Le principal mécène de Johannes Vermeer était probablement une femme, selon les commissaires de la rétrospective qui ouvre le 10 février au Rijksmuseum d’Amsterdam. Il s’agit de Maria de Knuijt, l’épouse de Pieter van Ruijven. Pendant des décennies, on a supposé que ce dernier, un riche citoyen de Delft, était le mécène du peintre. De nouvelles recherches révèlent qu’en fait Maria de Knuijt avait des liens beaucoup plus étroits et anciens avec Vermeer que son mari.
L’identité du mécène de Vermeer, à qui l’artiste a vendu la moitié de son œuvre, soit au moins vingt tableaux, est d’une importance capitale. Il est tout aussi significatif que Maria de Knuijt ait commencé à acquérir ses toiles vers 1657, à l’époque où Vermeer passait de la peinture à l’iconographie religieuse et mythologique conventionnelle à la création de scènes mystérieuses, centrées sur des jeunes femmes dans des intérieurs. Maria de Knuijt (ainsi que son mari) pourrait avoir encouragé l’artiste à développer son style – et façonné ainsi le Vermeer que nous connaissons aujourd’hui.
L’exposition « Vermeer » du Rijksmuseum ne comprend pas moins de quatorze tableaux ayant appartenu à Maria de Knuijt. Parmi ceux-ci figurent des œuvres célèbres telles que La laitière (1658-1659, Rijksmuseum d’Amsterdam) et La jeune fille à la perle (1664-1667, Mauritshuis, La Haye), ce dernier tableau étant exposé à Amsterdam jusqu’au 30 mars (date de son retour au Mauritshuis). Ces toiles représentent la moitié des vingt-huit œuvres présentées dans l’exposition d’Amsterdam. L’œuvre complète connue de Vermeer, selon le Rijksmuseum, compte trente-sept pièces.
Pieter Roelofs, co-commissaire de l’exposition, souligne que Maria de Knuijt, qui avait neuf ans de plus que Vermeer, était une voisine très proche et l’aurait vu « jouer dans le quartier quand il était enfant ». Dans son testament de 1655, elle lègue 500 florins à l’artiste, ce qui laisse supposer qu’ils étaient amis (cette somme n’a jamais été versée, Vermeer étant mort avant elle). En 1657, le mari de Maria de Knuijt prête 200 florins à Vermeer.
Pieter Roelofs souligne dans le catalogue de l’exposition que dans la société hollandaise du XVIIe siècle, « en tant que maîtresse de maison, elle [Maria de Knuijt] aura pris l’initiative de meubler leur maison et d’acheter des tableaux ». Ces derniers étaient alors considérés comme des « articles ménagers et faisaient donc partie de la vie domestique ». Il conclut que « tout indique que Maria de Knuijt était la collectionneuse des tableaux [de Vermeer] ».
Pieter van Ruijven meurt en 1674 et sa femme en 1681. Leur fille Magdalena est décédée en 1682 et, après sa mort, un inventaire successoral fait état de vingt tableaux de Vermeer. L’un d’eux était accroché dans la cuisine, peut-être La laitière. Deux autres se trouvaient dans la cave. Magdalena a épousé Jacob Dissius et, après sa mort en 1695, sa succession a vendu vingt et un Vermeer.
L’exposition très attendue du Rijksmuseum est présentée dans la spacieuse aile Phillips du musée et plus de 200 000 billets ont déjà été vendus. Il s’agit de la plus grande exposition « Vermeer » jamais organisée. Réunissant vingt-sept tableaux, elle est plus riche encore en œuvre du peintre que les vingt et un tableaux qui ornaient autrefois la maison de Delft de Maria de Knuijt et Pieter van Ruijven.
« Vermeer », 10 février-4 juin 2023, Rijksmuseum, Amsterdam, Pays-Bas