Franz West
Après la rétrospective majeure de 2018 au Centre Pompidou à Paris, occasion nous est donnée de voir un très large ensemble d’œuvres de Franz West qui couvrent une trentaine d’années de son travail. Au cœur de l’exposition, figurent quelques-uns des célèbres Passstücke. Ces œuvres faites de tiges métalliques, de papier mâché ou de plâtre, incorporant à l’origine des objets trouvés puis se faisant plus abstraites, étaient conçues pour être manipulées. Avec elles, Franz West donnait au visiteur la possibilité d’inventer des gestes, des usages, de se faire un peu sculpture et la sculpture de devenir un peu de soi-même. La participation, c’était une façon de partager le geste de l’artiste, de payer son tribut à l’art en lui manquant de respect. Voir ces objets immobilisés n’a rien de triste, au contraire, puisqu’on les associe à des images et que l’exposition présente aussi des films réalisés avec Bernhard Riff qui montrent quelques emplois possibles des Passstücke. On découvre aussi des sculptures abstraites sur des socles ouverts sur un côté et qui font apparaître des étagères remplies de livres de philosophie ou de littérature et, dans ce même esprit, de sculptures multifonctionnelles, un sofa associé à une large sculpture en forme de bonbonne (avec pompe pressoir) qui contient en son ventre des verres. À la question du vide en sculpture est apportée une réponse pratique et cordiale. Pour ajouter à l’émotion de cet accueil dans l’atelier-salon vivant de Franz West, est présentée une série de dessins de 1972, dans un style d’illustration raffinée, qui figurent bien les années d’apprentissages du maître viennois.
Du 2 mars au 13 avril 2023, David Zwirner, 108 rue Vieille du Temple, 75003 Paris
William N. Copley. Autoeroticism : Paintings from 1984 and related works
William N. Copley (1919-1996) est connu pour ses figures très stylisées, aux têtes rondes et sans visage, avec le chapeau melon comme trait distinctif de l’homme. L’autoérotisme, tel qu’il le conçoit et l’expose en 1984, est délicieusement anachronique et les modèles de voiture dans lesquels s’ébattent les couples, ou filent droit vers l’extase, semblent surgis des années 1920 ou 1930. Les œuvres de la série sont pour la plupart faites de points de vue combinés (vues plongeantes, coup d’œil dans le rétroviseur) avec des réminiscences du cinéma d’avant-garde et des allusions au cubisme, des textes ou des fragments de textes, des recadrages, adoptant la forme de médaillons ou le contour d’une paire de jambes féminines, celui de pièces de lingerie ou de voiture, se détachant sur un fond de toile non préparé. Sous l’apparente légèreté des scènes, leur caractère décoratif, les constructions sont plutôt savantes, condensent différentes réalités sur un mode onirique et loufoque. Passeur entre deux continents, Copley réveille un folklore tricolore qui embrasse le déjeuner sur l’herbe, le bal du 14 juillet ou les vespasiennes, ce qui n’empêche pas l’omniprésence du flic américain, le « cop » (la moitié de son patronyme) dont on ne sait s’il faut l’identifier comme un surmoi, ou le représentant de l’ordre qui vient ajouter le piment de l’interdit. En des années qui voyaient la peinture faire un retour en fanfare postmoderne, William N. Copley délivrait une ode à la vie et un salut burlesque au moderne.
Du 4 mars au 15 avril 2023, Galerie Max Hetzler, 46 & 57 rue du Temple, 75004 Paris
Phung-Tien Phan : Is blue
La galerie présente huit sculptures verticales dont la plus haute ne dépasse pas 1 mètre, et qui semblent appartenir à une même famille et composer ensemble une sorte de jardin de stèles. Sur cinq d’entre elles, un même élément en béton, venu d’un magasin de bricolage ou de décoration de jardin, repose sur une base en bois, du genre caisse étroite ou morceau d’étagère. Quelques-unes de ces œuvres sont recouvertes de cellophane à la façon d’un paquet-cadeau. On est tenté d’y reconnaître des sculptures sur des socles, mais on comprend vite que les rôles ne sont pas aussi clairement définis. Des objets ont été ajoutés à l’intérieur d’une des caisses ou sur les côtés, et cela va d’une paire de sneakers à une minuscule statue de la Liberté ou à des photomatons de l’artiste. On remarque aussi des paquets de cigarettes, fixés avec des scotchs, des lacets de soulier à pointes métalliques qui les relient entre elles et un grand fil blanc qui rattache l’ensemble des sculptures au mur du fond. Dans son texte de présentation, Stanton Taylor compare ces œuvres aux « offrandes préemballées laissées dans les temples vietnamiens pendant les fêtes du nouvel an ». Les offrandes de Phung-Tien Phan brillent surtout par la qualité de l’attention, le travail fourni pour faire accéder ces restes à la signifiance. Il s’agit moins, semble-t-il, de raconter des histoires avec des objets choisis pour une valeur sentimentale, que de connecter des résidus d’expériences sur un mode précaire. Un très court film, fait d’une poignée de séquences familiales, prolonge le questionnement.
Du 4 mars au 8 avril 2023, Édouard Montassut, 61 rue du Faubourg Poissonnière, 75009 Paris
Yan Xinyue : A Prayer for the sunset
« A Prayer for the sunset » instaure un climat. Les tableaux de Yan Xinyue mettent en avant les thèmes de la solitude, du déracinement dans l’espace urbain, avec quelques échappées dans l’imaginaire. Les deux tableaux les plus marquants cadrent chacun une façade d’immeuble grise, de pierre ou de béton, avec colonnes et motifs sculptés, et la peinture qui coule un peu sur la toile comme sur la façade. Au centre de ces architectures d’invention, une fenêtre montrant l’une, une figure esquissée tirant sur une large cigarette, et l’autre, une silhouette qui sort du cadre en renversant derrière elle son verre. La différence de traitement entre le cadre architectural et les figures donne à celles-ci un caractère projectif, voire spectral. Cette difficulté à habiter les lieux, un autre tableau l’énonce clairement : un chat devant un cadre de porte, avec le mot « Home » coulant comme un graffiti. Par cette image exagérément sentimentale, ou par cette autre d’un bouquet de campanules entouré des mots « How Sleep », l’artiste semble vouloir brouiller les frontières entre lieux de vie et lieux d’exposition.
Du 2 mars au 15 avril 2023, Sans titre, 13 rue Michel Le Comte, 75003 Paris