Ce printemps, Miart reprend des couleurs. Sa 27e édition, qui se déroule jusqu’au dimanche 16 avril 2023 au centre d’expositions Fiera Milano, accueille 169 galeries. Si le cœur reste les enseignes transalpines, l’événement voit revenir en nombre les galeries internationales après les années compliquées de la pandémie. S’il n’est pas toujours évident de définir la dénomination de galerie « étrangère », avec des localisations souvent multiples, et des connexions fréquentes entre l’Italie et d’autres pays européens, la foire met en avant cette année un bond de 40 % d’exposants « internationaux », et un retour « crescendo ». Outre un bataillon de galeries allemandes, suisses et espagnoles, Miart accueille entre autres les Français Lelong & Co., Jocelyn Wolff, Michel Rein, Crèvecœur, Alberta Pane, Ciaccia Levi, Perrotin, Bendana Pinel…
Outre ce retour en force des galeries internationales, le contenu évolue. « Après les années délicates du Covid, où les galeries ont pris moins de risques, et proposé davantage de choses plus faciles comme la peinture, elles osent à nouveau être plus diversifiées, avec cette année davantage d’installations ou de sculptures », confie Attilia Fattori Franchini, commissaire de la section Emerging dédiée aux jeunes talents. Ce secteur bénéficie d’ailleurs d’une entrée directe pour les visiteurs à partir du hall depuis l’an dernier. D’aucuns découvrent donc la foire par son versant le plus actuel, telle la grande collectionneuse Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, toujours attentive à la nouvelle création. Parmi les 22 stands, pour certains partagés, la Coréenne Foundry consacre son accrochage à des installations sculpturales en coton de Sang A Han autour de la fragilité humaine (entre 3 900 et 6 000 euros). C’est sa première participation à une foire internationale. Plus loin, Uma Lulik (Lisbonne) propose un focus plutôt conceptuel de Fabio Colaço sur le pouvoir de l’argent, et Ginny on Frederick (Londres) une fête foraine de Guendalina Cerruti (entre 1 500 et 3 000 livres sterling pièce) pour retrouver l’esprit de l’enfance…
Clearing, de Bruxelles et New York, qui participe de longue date à Miart, met par exemple en vedette les sculptures en verre de Venise recyclé de Koenraad Dedobbeleer (16 000 à 18 000 euros) posées sur des tables conçues par l’artiste lui-même. « Milan a le vent en poupe, la diaspora italienne revient, l’immobilier explose », explique sur le stand Ludovico Corsini, qui a déjà conclu plusieurs ventes. Ailleurs, dans le secteur « Decades », ED Gallery (Plaisance) consacre un focus au génial designer Gio Ponti et à ses céramiques qui partent comme des petits pains… Dans cette ville phare du design, la tenue la semaine suivante de la Design Week a-t-elle un réel impact sur les ventes ? « J’accueille à la foire des groupes venus pour la Design Week, notre calendrier est bien sûr intentionnel », confie le directeur de Miart, Nicola Ricciardi.
À l’autre bout du spectre, fortes d’un visitorat de haut niveau, certaines galeries n’hésitent pas à sortir des œuvres importantes ou d’artistes les plus établis. Tels Gian Enzo Sperone qui expose un portrait de Generoso Villarreal de 1993 par Julian Schnabel, en tessons de céramique peinte (330 000 euros) ou une imposante inscription dorée de Mimmo Paladino de 1986 (à 400 000 euros). Ou encore Lelong & Co., qui a vendu un tapis bleu de David Hockney pour moins de 30 000 euros, et propose notamment un insolite portrait photographique du réalisateur Billy Wilder par le même artiste pour 45 000 euros, réalisé en 20 exemplaires, en plus de pièces de Kiki Smith, Leonardo Drew ou Samuel Levi Jones. « Nous avons vendu ou rencontré des clients parisiens, danois, italiens, suisses. C’est une foire dotée d’une vraie personnalité, elle est bien structurée, sans stands catastrophiques, avec de réels efforts de présentation », confie le directeur. Parmi les présentations audacieuses, l'Italienne Francesco Pantaleone n'a pas hésité à recouvrir d'un miroir le sol de son stand, fermé par un cordon. Efficace pour susciter la curiosité des visiteurs ! De son côté, Jocelyn Wolff a cédé deux pièces de Harald Klingelhöller – son stand lui est consacré – à deux collections privées italiennes, entre 35 000 et 40 000 euros.
Si passaient dans les allées des visiteurs allemands, plus rarement américains ou français, dont Isabelle et Jean-Conrad Lemaître, de retour après une longue absence, la foire attire majoritairement les Italiens. « La Design Week aimante des visiteurs importants du monde entier, bien plus que pour Miart », observe un familier de Milan. Davantage de synergies sont sans doute encore envisageables en direction de ces potentiels visiteurs, alors que la capitale lombarde regorge d’offres artistiques ce printemps, du Pirelli HangarBicocca accueillant une remarquable rétrospective d’Ann Veronica Janssens, à la récente Fondation Elpis, qui fait dialoguer jeunes artistes italiens et créateurs internationaux.
Miart, jusqu’au dimanche 16 avril 2023, Fiera Milano, Milan Italie.