Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, ont reçu le 25 avril 2023 Jean-Luc Martinez, ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine et président-directeur honoraire du Louvre, qui leur a remis le rapport intitulé Patrimoine partagé : universalité, restitutions et circulation des œuvres d’art.
Ce rapport, commandé par le président de la République, propose une méthode pour examiner et traiter les demandes de restitution. Il s’inscrit dans la continuité du discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 et fait suite à la publication, l’année suivante, du rapport Restituer le patrimoine africain de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr ainsi qu’au vote par le Parlement de la loi de 2020 autorisant des restitutions d’œuvres d’art au Sénégal et au Bénin.
Patrimoine partagé : universalité, restitutions et circulation des œuvres d’art a pour objectif de préparer les contours d’une loi-cadre, qui sera soumise dans les prochains mois au Parlement, sur la restitution à leur pays d’origine de biens culturels appartenant aux collections publiques françaises. En l’état actuel du droit, ces dernières sont inaliénables.
Le rapport préconise l’inscription de neuf critères de restituabilité. Trois critères de recevabilité : la demande doit émaner de l’État d’origine ; avoir l’assurance qu’un autre État ne revendique pas les mêmes biens ; vérifier qu’une demande n’entre pas en contradiction avec des accords bilatéraux antérieurs. Deux critères alternatifs relatifs au mode d’acquisition : le caractère illégal ou illégitime de l’acquisition. Quatre critères contextuels : le projet de restitution doit être accompagné d’une volonté de coopération de l’État demandeur ; l’État requérant doit s’engager à conserver la nature patrimoniale et la présentation au public des biens culturels ; les demandes doivent être ciblées ; elles doivent, en outre, rester strictement patrimoniales et ne peuvent s’accompagner de demandes de réparations financières. Des recommandations complémentaires concernent les dons, legs, prises de guerre, restes humains ou biens culturels spoliés.
Autres préconisations : mettre en place des commissions bilatérales composées d’experts et chercheurs français et des pays d’origine afin d’émettre un avis sur la restitution ; élargir cette démarche à l’échelle européenne en travaillant notamment avec l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, sur les recherches de provenance et l’accueil des chercheurs africains. Sont également suggérées une déclaration commune des pays africains et européens sur les principes de restitution, sur le modèle des « 11 principes de Washington » signés en 1998 concernant les œuvres spoliées dans le contexte des persécutions antisémites, ainsi que la création d’un Fonds Afrique-Europe public-privé dédié au patrimoine africain.
Enfin, le rapport propose un dispositif original intitulé « patrimoine partagé » dans le cas de certaines œuvres symboliques ne remplissant pas les critères de restituabilité. « Il s’agit de dépasser la question de la propriété juridique pour envisager la question sous l’angle de l’accessibilité des œuvres en autorisant une forme de dépôt à long terme impliquant l’écriture commune d’une histoire partagée des objets », stipule le rapport. Dans son introduction, Jean-Luc Martinez reprend à son compte « la belle expression du professeur Souleymane Bachir Diagne [au département de français et de philosophie de l’université de Columbia, à New York] concernant ces objets devenus " métisses" ou " objets-rhizome", et par là-même porteurs d’un récit partagé entre la France et le pays d’origine ».
La totalité du rapport est accessible ici.