Les fondateurs de Photo London, Fariba Farshad et Michael Benson, s’attendent à ce que cette édition soit l’une de leur plus grande réussite, tant en termes de fréquentation que de ventes. Les visiteurs peuvent quant à eux découvrir jusqu’à dimanche la grande diversité des propositions, leur évitant peut-être un certain sentiment de saturation.
L’éclectisme est bien le maître mot de cette édition, qui permet des face-à-face inattendus, telle que la rencontre de la photographie animalière, à l’honneur chez de nombreuses galeries, avec l’actionnisme photographique du viennois Rudolf Schwarzkogler, l’une des fascinantes (re)découvertes de la galerie Ostlicht (Vienne). Du point de vue de la temporalité, l’histoire de la photographie est représentée dans son ensemble, des techniques primitives chez Robert Hershkowitz Ltd. (Londres) à l’intelligence artificielle employée par Ori Gersht (Michael Hoppen, Londres) ou encore Evelyn Bencicova (Artemis, Lisbonne).
Une grande visibilité est donnée à une photographie documentaire de qualité, qu’elle traite de sujets sociopolitiques ou s’attache à capturer la poésie du quotidien. ACC Art Books (Woodbridge) confronte deux antipodes de la société britannique à travers une mise en regard de la série de Gavin Watson sur les skins et celle de Dafydd Jones sur la vie étudiante de la très posh université d’Oxford dans les années 1980. Albumen Gallery (Londres) expose quant à elle le travail de Monique Relova sur une communauté transgenre du sud de l’Inde aux côtés des reportages de Rosa Gauditano sur la vie au Brésil sous la dictature militaire à la fin des années 1970.
Déjà remarqués à Paris Photo, les expérimentations ainsi que le décloisonnement de la photographie par le mélange des techniques sont très présents. Au sein de la section Discovery, consacrée à la photographie émergente, la galerie Duran|Mashaal (Montréal) mélange photographie et céramique, tandis que Bootsy Holler (VirginiaVisualArts, Londres) brode ses clichés afin d’évoquer le cancer du sein.
Bien qu’assez inégale, cette section offre quelques belles découvertes. La galerie chinoise Gaotai (Urumqi), qui signe ici sa première participation à une foire européenne, se démarque avec une exposition présentant un portrait coloré de la province de Xinjiang à travers l’objectif de la jeune photographe Hailun Ma. Le prix Nikon de la photographie émergente a été remis cette année à une Française, Léa Habourdin – représentée par la Fisheye Gallery (Paris) –, qui voit son approche écologique de la photographie récompensée.
Martin Parr est quant à lui le lauréat du prix Master of Photography qui est décerné annuellement à un artiste pour sa contribution à la photographie. Celui que les fondateurs de Photo London qualifient de « parrain de la photographie britannique » présente un certain nombre de clichés récents méconnus, illustrant la relation amour-haine qu’il affirme entretenir avec son pays.
De rares solo shows sont présents sur certains stands, un pari pour les galeries qui préfèrent souvent avoir plusieurs cordes à leur arc. Les quelques téméraires ont visé juste. La galerie Cob (Londres) expose une série de Jack Davison d’une grande beauté formelle. Robert Morat (Berlin) tire quant à lui son épingle du jeu avec un stand élégant et minimaliste, à contre-courant de ses voisins du pavillon central. Sa galerie, déjà remarquée lors de la dernière édition de Paris Photo pour son exposition du travail d’Hannah Hughes, présente le duo d’artistes suisses Lena Amuat et Zoë Meyer qui réalisent depuis douze ans un inventaire coloré d’objets oubliés sur les étagères de musées et autres institutions du savoir.
Plusieurs focus ont été mis en avant par les organisateurs de la foire, notamment celui dédié à la photographie africaine. Celle-ci est très présente chez les jeunes galeries françaises, telles que Bonne Espérance, Nil, Maât ou 193 Gallery (toutes de Paris) qui espèrent attirer une plus large catégorie de collectionneurs grâce à leur sélection. Cette présence africaine croissante n’a en tout cas pas laissé Jean Pigozzi indifférent, aperçu dans les allées du Pavillon Central.
Quelques heures après l’ouverture, les galeries interrogées se réjouissaient du nombre de visiteurs déjà présents dont elles appréciaient la facilité d’accès et la grande curiosité. Michael Benson se félicitait quant à lui du fait que Photo London n’attire pas seulement des collectionneurs de photographie mais puisse aussi s’étendre aux aficionados de l’art contemporain. Cet intérêt s’explique certainement par la grande diversité des propositions, une certaine prise de risque de la part des exposants qui choisissent de présenter des sélections plus « pop » ou décalées que celles que l’on observe chez son pendant parisien, Paris Photo, peut-être plus puriste.
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Photo London, du 11 au 14 mai 2023, Somerset House, Strand, Londres, Royaume-Uni