Les habitués de la Foire Art Basel connaissent l’une de ses commandes publiques, des marques rouges et blanches inspirées des balisages des chemins de randonnées apposées sur une cheminée du quartier de Volta, à Bâle. Hannes Vogel est décédé le 21 mai 2023 à l’âge de 84 ans, a-t-on appris de l’un de ses trois enfants, Zeno Vogel, architecte à Zurich (office haratori).
Né en 1938 à Coire, dans les Grisons, Hannes Vogel suit d’abord une formation de graphiste à l’École des arts appliqués de Zurich, puis les cours à l’Académie Julian à Paris en 1959. En 1966, il s’installe près de Bâle, à Village-Neuf, en Alsace, où il développe ses recherches artistiques comme peintre – dans une veine abstraite –, puis utilise la vidéo, la photographie, le dessin. Dès le début des années 1970, il conçoit des interventions pour l’espace public pour lesquelles il travaillera en collaboration, à partir de 1989, avec son épouse Petruschka Vogel (1943-2019), architecte d’intérieur de formation. À partir de 1988, ils vivent et travaillent entre l’Alsace et les Grisons, où ils s’installent définitivement en 2004.
Interrogeant très tôt notre rapport à l’image, à l’écran et à la télévision – comme diffuseur mais aussi en tant qu’objet –, il est l’un des pionniers de l’art vidéo en Suisse. Avec les artistes de Genève Gérald Minkoff et Muriel Olesen, il a présenté ses installations à la Foire Art Basel pendant de nombreuses années, jusqu’en 1987. À partir de la fin des années 1980, son œuvre s’articule autour de trois axes : son rapport au territoire alpin des Grisons ; des recherches autour d’œuvres d’artistes majeurs de la modernité parmi lesquels Marcel Duchamp (aussi en tant que joueur d’échecs), Alberto Giacometti ou Josef Beuys ; et un dialogue autour de l’œuvre de James Joyce. Son rapport aux écrits de ce dernier l’a conduit à s’ouvrir plus largement à la littérature, par exemple dans la commande publique pour le Rosshof à Bâle. Avec Petruschka Vogel, il est l’auteur de plus d’une cinquantaine d’œuvres dans l’espace public, pour deux cheminées à Bâle, des places – comme à Graz ou à Salzbourg, en Autriche, en hommage à Thomas Bernhard – ou encore des installations en néon comme Dick and Davy, en référence à James Joyce, à la cafétéria de l’hôpital universitaire de Zurich. En 2009, il a bénéficié d’une rétrospective au Museum DKM, à Duisbourg, en Allemagne.
« Vogel se distinguait autant par son esprit d’analyse, de synthèse et d’association que par son intérêt encyclopédique pour la genèse et l’histoire du lieu. Il procédait ainsi à des combinaisons d’éléments littéraires, archéologiques, folkloriques, météorologiques, géographiques ou artistiques pour aboutir à une compréhension, certes vécue personnellement, mais éclairante, des phénomènes complexes du monde », a écrit en hommage à l’artiste Beat Stutzer, ancien directeur du Bündner Kunstmuseum à Coire, dans le quotidien suisse bz.
Depuis 2000, Hannes Vogel a collaboré à plusieurs reprises avec son fils Corsin Vogel, artiste sonore installé à Marseille. Ils ont notamment travaillé ensemble en 2013 à un projet sur la perception de l’espace alpin en hommage à Giovanni Segantini. Ils ont tous les deux participé en 2021 à l’exposition « La montagne fertile : les Giacometti, Segantini, Amiet, Hodler et leur héritage » au Palais Lumière à Évian (Haute-Savoie).