Situé au cœur de l’Asie centrale, voisin de l’Azerbaïdjan et de l’Afghanistan, non loin de l’Iran, de l’Inde et de la Chine, l’Ouzbékistan est depuis des millénaires au croisement de civilisations. La Fresque des Ambassadeurs, datant du VIIe siècle et conservée aujourd’hui au musée d’Histoire d’Afrasiab, à Samarcande, met ainsi en scène dès cette époque des Chinois, des Tibétains, des Coréens, des Turcs… Les populations sont aussi passées du zoroastrisme à l’islam, ce dont témoignent les nombreux sites archéologiques – comme celui de Toprak-kala occupé du Ier siècle avant notre ère au Ve siècle après notre ère – ou les exceptionnels ensembles monumentaux réunissant mosquées, madrasas et mausolées à Samarcande ou à Boukhara. Nombre d’objets insignes issus de ces lieux ont été présentés au musée du Louvre, à Paris, dans l’exposition « Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan » du 23 novembre 2022 au 6 mars 2023.
Plusieurs pièces sont habituellement conservées au musée des Arts d’Ouzbékistan, à Tachkent. Fondé en 1918, il a été hébergé dans le palais du prince Nicolas Romanov dans cette même ville. En 1974, une nouvelle bâtisse de style soviétique réalisée par un groupe de jeunes architectes, I. Abdulov, A. K. Nikiforov et S. A. Rosenblum, a été construite pour accueillir l’institution. Le volume de ses cinquante-six salles se répartit autour d’une cour couverte centrale ceinturée d’escaliers en marbre. La Fondation pour le développement des arts et de la culture de l’Ouzbékistan, créée en 2017 pour promouvoir la culture de ce pays, a lancé un grand projet de construction d’un nouveau bâtiment pour l’institution. Elle a fait appel à l’architecte japonais Tadao Andō qui a conçu un projet doublant la superficie du musée, avec près de 20000 m2 au total, dont 7000 m2 d’espace d’exposition. L’édifice comprendra aussi des réserves de stockage pour les 100 000 pièces de la collection. Seront de plus aménagées une bibliothèque et des salles pour les expositions temporaires. Le projet de Tadao Andō prévoit une construction carrée où se déploiera la collection d’archéologie abordant l’histoire ancienne de l’Ouzbékistan, relié à une aile de forme circulaire dédiée au contemporain.
PERCÉE CONTEMPORAINE
Une autre institution, encore en phase de préfiguration, sera bientôt consacrée à la création actuelle à Tachkent : le Centre pour les arts contemporains (CCA). Ce dernier s’installera dans l’ancienne centrale au diesel, qui a par le passé alimenté en électricité la première ligne de tramway de la capitale de l’Ouzbékistan. Avec ses briques, ce bâtiment inauguré en 1912 est typique des constructions de l’architecte Wilhelm Heinzelmann, chef du bureau de la construction dans le kraï du Turkestan à l’époque de l’Empire russe. Désaffectée, cette friche a été confiée en 2018 au ministère de la Culture de la république d’Ouzbékistan. Le lieu présente déjà des événements dans le cadre du CCA Lab. Mais bientôt, il bénéficiera d’une reconfiguration en profondeur sous la houlette de l’agence d’architecture Studio KO basée à Paris et à Marrakech. L’endroit disposera d’une vaste salle qui servira pour l’organisation de conférences, de projections et de concerts. Il n’aura pas vocation à accueillir les grands noms médiatiques de l’art contemporain, mais plutôt à inviter des artistes régionaux et internationaux autour de projets spécifiques. La partie médiation sera mise en avant. Ce premier centre d’art contemporain du pays pilotera également des résidences qui seront aménagées par Studio KO dans d’anciens quartiers de la ville de Tachkent, les Mahallas – Mahalla Artist Residencies (MAH). Les artistes en résidence pourront se consacrer à différentes pratiques, de la peinture à la sculpture, la céramique, le textile, le cinéma ou encore l’impression 3D.
Fin mars 2023, Nisso Yakhshimuradova a été nommée directrice du CCA de Tachkent. Elle a notamment dirigé des lieux d’art à Moscou et a orchestré des actions de mécénat de la banque russe VTB. Avant l’ouverture du site, elle pilotera le CCA Lab et les Tashkent Encounters, événements pluridisciplinaires centrés sur le cinéma, la performance et la musique.
Parallèlement à son projet pour le CCA de Tachkent, l’agence Studio KO a par ailleurs été choisie pour le pavillon de l’Ouzbékistan à la Biennale d’architecture de Venise, qui ouvre ses portes le 20 mai 2023, avec le projet « Déconstruire ensemble : archaïsme et modernité ». L’agence s’est inspirée des ruines de Toprak-kala et de son système de construction en briques pour interroger le potentiel de la terre en tant que matériau de construction de base de l’architecture ouzbèke.
C’est en briques que sont également édifiés à Boukhara le caravansérail et la mosquée Magoki-Attari, qui figureront tous deux parmi les sites de la future Biennale d’art contemporain. Celle-ci devrait se déployer dans la ville sous l’égide de la Fondation pour le développement des arts et de la culture de l’Ouzbékistan. En matière d’art, l’Ouzbékistan est hyperactif !
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Fondation pour le développement des arts et de la culture d’Ouzbékistan - Centre pour les arts contemporains de Tachkent