Janet Cardiff et George Bures Miller ont commencé à collaborer officiellement presque par hasard, bien qu’ils soient mariés et s’entraident depuis plus d’une décennie. Cardiff avait été invitée à exposer à Vancouver au milieu des années 1990, après avoir travaillé dans leur atelier commun sur la pièce The Dark Pool (1995). « Nous ne nous souvenions plus de qui en avait eu l’idée en premier, dit-elle. Nous avons donc demandé à l’organisateur : "Pouvons-nous présenter des œuvres en collaboration ?" ». Les fruits de ces trois décennies de collaboration sont aujourd’hui réunis dans une nouvelle exposition au Musée Tinguely, à Bâle, qui comprend quatorze œuvres multimédias.
Outre la collaboration entre les deux artistes, les œuvres reposent également sur l’attention et la participation du public. « Certains spectateurs ou participants ont une magie qui leur permet de voir des choses que les autres ne voient pas », explique Janet Cardiff. Qu’il s’agisse d’une table couverte de haut-parleurs activés par les mouvements des visiteurs (Experiment in F# Minor, 2013), ou de détails complexes qui peuvent passer inaperçus à l’intérieur des fenêtres du diorama d’Escape Room (2021), la présence de ce que Cardiff appelle « des participants ou des spectateurs talentueux » peut vraiment faire vibrer les œuvres.
Les artistes ont reçu le prix Wilhelm Lehmbruck pour la sculpture en 2020, à la suite de laquelle ils ont bénéficié d’une exposition au musée Lehmbruck de Duisbourg, en Allemagne, celle-là même qui est présentée à Bâle. Attribuer ce prix de sculpture à ces artistes peut sembler étrange, mais Janet Cardiff affirme avoir « toujours considéré le son comme une sculpture ».
À titre d’exemple, l’artiste cite The Forty Part Motet (2001), une installation composée de 40 haut-parleurs disposés pour former un ovale. « Pour moi, c’est tout à fait une sculpture », dit Cardiff. Le son devient physique par la façon dont il vous frappe et se déplace. « Beaucoup de nos œuvres sont des sculptures autonomes, même si, comme The Killing Machine (2007), elles bougent et sont robotisées, déclare-t-elle. The Killing Machine est la plus proche de Tinguely », un artiste dont le travail « n’est pas nécessairement une source d’inspiration » mais qui partage une « connexion » avec celui de Janet Cardiff et de George Bures Miller.
« Nous sommes des artistes hybrides. Nous avons toujours aimé le théâtre contemporain qui repousse les frontières, nous aimons tout type de support qui déplace les frontières, dit-elle. Ma première influence a été La Jetée de Chris Marker », faisant référence, dit-elle, à ce film expérimental de 1962 réalisé essentiellement à partir d’images fixes et qui repoussait les limites de la réalisation cinématographique. « Nous ne faisons que suivre ce qui est intéressant », conclut-elle.
« Janet Cardiff and George Bures Miller : Dream Machines », jusqu’au 24 septembre, Museum Tinguely, Bâle