Le temps d’un week-end, la nef du Grand Palais Éphémère, à Paris, s’anime d’une réalité augmentée, avec des œuvres dont la dimension physique n’a pas toujours été évacuée. La matérialité sert en effet de support à des animations apparaissant éthérées, où le labile abolit toute fixité. Conçue par Fisheye et la RMN-Grand Palais, cette 3e édition du festival accueille des créations inédites qui invitent à se plonger dans un monde en constante mutation, dressant aussi un état des lieux des innovations. L’hybridation numérique est au cœur des propositions, lesquelles ne sont pas sans soulever des problématiques liées au corps et aux identités, et à leurs possibles acceptations dans la société.
Dès l’entrée, non loin des œuvres de Lu Yang et de Tobias Gremmler, toutes accessibles depuis les smartphones, Salomé Chatriot fusionne composants technologiques et éléments organiques. Dans ses Bulles augmentées aux atours physiologiques, s’énoncent tous les liens nourriciers qui unissent le réel à la virtualité.
Dans cette tentative d’aller au-delà du périmètre de la représentation de la figure humaine, le travail de l’artiste chinois Liu Bolin, qui s’est fait connaître avec ses photographies tout en actes de camouflage et de dissimulation, a valeur d’expansion, voire véritablement d’émancipation nietzschéenne. Car ses œuvres dématérialisées s’incarnent et s’animent d’un souffle, et in fine réduisent les frontières séparant le fantasme de la réalité. Et si la notion d’avatar questionne le rapport au corps, elle correspond à des identités multiples et renouvelées, à des manières inédites de s’offrir au monde et de se représenter.
Le concept de beauté est partie prenante de cette passionnante odyssée, laquelle embrasse des polarités divergentes, et même parfois diamétralement opposées. Car au sein d’« Habeas corpus », exposition immersive soutenue par L’Oréal, les canons traditionnels sont totalement remis en question par quatre artistes contemporains. L’œuvre de Romain Gauthier prend la forme d’un « défilé augmenté » convoquant égéries et catwalk virtuel, tandis que Sam Madhu, artiste numérique basée à Berlin, explore l’art de la personnalisation grâce aux moyens numériques, donnant des effets semblables à de la peinture sur peau, tous propices à la création d’alter ego.
À ces œuvres s’ajoutent des expériences proposées par des institutions invitées, qu’il s’agisse de musées (Palais des Beaux-Arts de Lille, Grand Palais Immersif…), d’écoles d’art et d’autres acteurs privés. Au sein de ces « labs », la Cité des sciences et de l’industrie invite les visiteurs à marcher en funambules entre les bâtiments d’une ville imaginaire tandis que les étudiants de l’ECAL – École cantonale d’art de Lausanne présentent une installation interactive questionnant notre dépendance aux smartphones. La connexion est alors de mise puisque le numérique n’est plus seulement un sujet de création, mais constitue également un objet de médiation au service de la rencontre.
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« Palais Augmenté 3 », du 23 au 25 juin 2023, Grand Palais Éphémère, Place Joffre, 75007 Paris