En 2022, le marché de l’art sud-coréen a battu des records, soutenu par le lancement de Frieze Seoul et la levée anticipée par rapport au reste de l’Asie de l’Est des restrictions de voyage imposées pour faire face à la pandémie de Covid-19. Cette année 2023 est marquée par un réajustement, avec des ventes retombant au niveau de 2019, les difficultés économiques mondiales se répercutant en Corée du Sud. Pendant ce temps, d’autres centres artistiques asiatiques, en particulier Hongkong, cherchent à retrouver leurs anciennes positions sur le marché. Les galeristes espèrent que la semaine de l’art qui s’ouvre à l’occasion de Frieze Seoul et la Korea International Art Fair Seoul (Kiaf) donnera un coup de pouce indispensable.
« À l’époque du Covid, le marché était en surchauffe. Maintenant qu’il est redescendu, j’ai l’impression qu’il est plus stable, déclare Jane Yoon, directrice générale de Sotheby’s pour la Corée du Sud. Les clients sont plus prudents qu’au cours des deux dernières années, mais il est clair que le nombre d’acheteurs sur le marché coréen est plus important qu’auparavant. Avant la pandémie, seules quelques rares personnes collectionnaient des œuvres d’art. Mais aujourd’hui, un grand nombre de gens sont intéressés par l’achat d’art. Le marché de l’art se popularise. »
Le Korea Arts Management Service (Kams) a évalué le volume total du marché de l’art à 1 000 milliards de wons (727,3 millions d’euros) en 2022, soit une hausse de 32,2 % par rapport aux 756,3 milliards de wons enregistrés en 2021. Le marché des ventes aux enchères au premier semestre de cette année s’est élevé à 80 milliards de wons, soit une baisse de 9,9 % par rapport aux 88,8 milliards de wons du second semestre 2022, et de 44,8 % par rapport aux 145 milliards de wons du premier semestre 2022. Kams a constaté que les ventes d’œuvres haut de gamme sont particulièrement touchées, probablement en raison de l’augmentation des taux d’intérêt.
« Le marché est revenu à la taille qui était la sienne avant la pandémie », déclare Hyunsoon Do, directeur général de K Auction, ajoutant que : « le marché de l’art coréen est particulièrement volatil parce qu’il est étroit », avec des hausses et des baisses brutales. « Toutefois, il est également possible de trouver rapidement un plancher, dit-il. Alors que le marché de l’art mondial continue de décliner, on pense qu’en Corée, il s’est stabilisé et ne descendra pas à un niveau inférieur. »
Selon Hyunsoon Do, la Corée du Sud a relativement bien géré l’inflation, le taux d’intérêt de référence de sa banque centrale étant actuellement inférieur à celui des États-Unis. « Comme il n’est pas prévu de l’augmenter davantage et que nous nous attendons à ce qu’il baisse, les prix des actifs augmenteront à partir du second semestre, ce qui sera naturellement positif pour le marché de l’art. Je pense qu’à partir de l’année prochaine, voire du second semestre, le marché de l’art coréen sera à nouveau à la hausse. »
Le fait de considérer l’art comme un moyen d’investissement a suscité un enthousiasme continu en Corée, malgré le marasme économique, et la possibilité d’acquérir des fractions d’œuvres d’art a élargi son champ d’action. Entre 2020 et 2022, la société Yeolmae a acheté pour 400 milliards d’œuvres et revendu pour 200 milliards de wons d’actions. Jane Yoon estime que les acheteurs purement spéculatifs se sont retirés avec le déclin du marché, bien que les jeunes collectionneurs restent aussi attentifs à l’investissement qu’à la dimension esthétique. Selon Taehee Joung, spécialiste des beaux-arts à Seoul Auction : « Le marché des jeunes artistes, dont les prix ont fortement augmenté, a été le plus durement touché. Les valeurs sûres maintiennent le marché actuel, et le marché de l’art ancien et de la peinture coréenne se développe progressivement. »
Malgré le ralentissement du marché cette année, il est peu probable que Frieze Seoul connaisse une baisse de régime, les pays voisins de la Corée ayant récemment rouvert leurs portes, ce qui permet d’attirer de nouveaux exposants et collectionneurs. Environ 40 % des plus de 120 galeries participant à Frieze Seoul sont originaires d’Asie, y compris des nouveaux venus comme Antenna Space de Shanghai et la Galerie Quynh d’Hô-Chi-Minh-Ville.
Emma Son, directrice de Lehmann Maupin Séoul, prédit une atmosphère énergique pour la foire : « L’année dernière, les fermetures des frontières pour cause de pandémie ont affecté la capacité des collectionneurs à voyager à l’étranger, en particulier en Chine, mais cette année, les restrictions ont été levées. Je pense que de nombreux grands collectionneurs d’Asie se rendront en Corée, mais il faudra voir si cela se traduit par des ventes. »
La base des collectionneurs de Corée et la facilité relative d’y faire commerce ont incité de nombreuses galeries internationales de premier ordre à ouvrir des espaces permanents à Séoul, White Cube étant la dernière à s’être installée dans la capitale en septembre. Bien que le rythme des expansions à Séoul ait ralenti par rapport à l’année dernière, Emma Son affirme que « l’intérêt reste élevé ». Au-delà de l’ouverture d’espaces permanents, « les galeries étrangères continueront à chercher à être représentées en Corée. »
Selon Jane Yoon de Sotheby’s, « on ne peut pas ignorer Art Basel Hong Kong, mais Frieze opère au même niveau et fait de la Corée une autre plateforme internationale de l’art ». Même si certaines ventes sont détournées vers Hongkong et d’autres centres, les collectionneurs coréens sont les plus gros acheteurs d’art contemporain en Asie et « sont considérés comme les plus sophistiqués sur le marché de l’art contemporain parmi les collectionneurs asiatiques, même dans les ventes aux enchères », explique Jane Yoon.
Les collectionneurs de moins de 50 ans représentent environ 80 % des ventes, constate-t-elle. « L’accessibilité accrue au marché de l’art coréen grâce à Frieze Seoul permettra d’améliorer la situation l’année prochaine et dans les années à venir », conclut-elle.
Frieze Seoul, du 6 au 9 septembre, Coex, Séoul ; Kiaf, du 7 au 10 septembre, Coex, Séoul