Pour son édition 2023, qui s’est déroulée du 14 au 17 septembre dans la capitale espagnole – mais dont des événements se prolongent jusqu’au 8 octobre –, Apertura a réuni 56 galeries. Au total, ce sont 59 expositions (57 solo shows et 2 accrochages collectifs) qui étaient présentées dans ce Gallery Weekend, montrant autour de 73 artistes. Y participaient notamment Albarrán Bourdais, Carlier Gebauer, Marlborough, Helga de Alvear, Elvira Gonzales, Juana de Aizpuru, NoguerasBlanchard, The Ryder Projects… Nombre d’entre elles ont verni leurs expositions à cette occasion. Apertura a lancé en outre, avec Exhibify, un espace de vente virtuel en 3D pour ceux qui ne pouvaient s’y rendre ou visiter toutes les galeries.
Une tonalité dominait cette édition : une programmation d’artistes engagés politiquement, écologiquement (comme chez Lucia Mendoza dont c’est devenu l’axe principal) ou encore féministes. Tel le travail sur les migrants par l'artiste Moris chez NF / Nieves Fernandez...
L’engagement politique est une tradition de la scène madrilène, soulignait le directeur de la galerie Marlborough, Tiago de Abreu Pinto. L’enseigne présente une vidéo récente consacrée aux manifestations anti-Bolsonaro au Brésil par Mariana Lacerda et Rivane Neuenschwander. Mais aussi une installation d’Alexander Apóstol, des drapeaux imaginaires mais aux couleurs des partis politiques démocratiques apparus au Venezuela en 1958, montrant « l’aspect chromatique de la politique », pointe le directeur. L’auteur existentialiste Julio Cortázar a inspiré plusieurs œuvres, notamment de Fernando Bryce dans cette exposition de groupe, qui revisite notamment le Paris germanopratin…
Tradition historique, cet engagement peut aussi être perçu comme une réponse à l’accroissement d’un public très présent à Madrid : les Latino-Américains. De plus en plus nombreux, ils choisissent Madrid pour s’établir ou avoir un pied à terre, plutôt que d’autres villes d’Europe, en raison de la langue et de la culture. « Certains installent même leur famille ici, et se contentent d’aller dans leur pays d’origine uniquement pour leurs affaires », explique le galeriste Christian Bourdais. Beaucoup de groupes de collectionneurs sud-américains sont passés visiter Apertura ; un public qui s’ajoute aux collectionneurs espagnols ou portugais et renforce la vitalité de la scène madrilène…
Certains collectionneurs d’Amérique du Sud, jusqu’ici établis à Miami, se sont lassés pendant la pandémie du flot d’Américains qui y ont déménagé et organisent même leur transfert à Madrid…
La galerie NoguerasBlanchard présente quant à elle un accrochage historique consacré à Nancy Spero, avec entre autres une pièce muséale à 600 000 euros, la dernière disponible de la série, les autres se trouvant dans de grands musées et des collections. Pour la directrice Rebeca Blanchard, Madrid a aussi vu arriver des Américains qui se sont établis en ville, car la capitale espagnole est « plus à la mode et plus accessible que Londres ou New York », confie-t-elle.
Autre exposition plutôt historique : celle consacrée par Elvira González aux photographies de natures mortes de Chema Madoz, parfois entièrement inventées, tel ce clavier de piano glissé… dans les rayonnages d’une bibliothèque ! Il faut prévoir entre 4 800 et 16 000 euros.
Face à la dominante engagée d’une partie des galeries, certains tentaient d’autres voies plus abstraites ou plus minimales. Montrée pour la première fois en Espagne, la Suédoise Cecilia Edefalk, qui n’a rien d’une débutante – elle a entre autres réalisé des œuvres pour le parlement de Stockholm –, éclaire de ses toiles lumineuses la galerie Carlier Gebauer (entre 16 000 et 35 000 euros). Chez Albarrán Bourdais, Koo Jeong A n’est pas non plus une jeune artiste en devenir, mais plutôt une redécouverte : elle représentera la Corée du Sud à la prochaine Biennale de Venise au printemps 2024. Prévoir à partir de 7 000 euros pour ses peintures de petits formats méditatifs ornés d’étoiles, et jusqu’à plus de 46 000 euros pour certaines sculptures. Des Français ont fait spécialement le voyage pour l’exposition !
Seul bémol : le couac dans le calendrier des Gallery Weekends de Madrid et de Barcelone. D’ordinaire décalés, ils ont été organisés en même temps cette rentrée. « Une partie des collectionneurs madrilènes ont été invités par Barcelone », déplore un galeriste. Et ce, d’autant que la rentrée est déjà chargée : un vernissage commun de galeries, organisé par le Berlin Gallery Weekend, se tenait lui aussi en même temps ! Si certains collectionneurs français sont venus pour les vernissages à Madrid, d’autres ont misé sur Barcelone, à l’instar des Marseillais Marc et Josée Gensollen. À mieux ajuster l’an prochain…
En attendant, Madrid se renforce comme un pôle à l’identité à part, métissé ibérico-latino. Ce dynamisme n’a pas échappé à la galerie Pedro Cera de Lisbonne, qui ouvrira le 5 octobre un espace dans la capitale espagnole, avec une exposition de David Claerbout.