De l’avis général, si Paris+ par Art Basel n’est pas la FIAC, ce n’est pas non plus Art Basel à Bâle et si les galeries améliorent cette année leur offre, la foire suisse reste encore le rendez-vous phare du calendrier de MCH. L’événement « n’est pas encore au niveau de Bâle » pour présenter des pièces de même calibre, confie David Nahmad. La galerie Nahmad Contemporary présente tout de même à Paris un Picasso à 25 millions de dollars et un beau Nicolas de Staël, actualité du musée d’Art moderne de Paris oblige, peint l’année de sa mort et affiché au prix de 7 millions de dollars.
La journée d’hier a débuté dans le calme, les VIP en profitant pour voir l’exposition « Rothko » à la Fondation Louis-Vuitton, celle de Peter Doig au musée d’Orsay ou l’une des nombreuses autres de galeries à ne pas manquer. Ce calme a été plus propice aux échanges que lors de la frénésie de l’ouverture. La foire a recommencé à se remplir dans l’après-midi. Parmi les galeries à avoir renouvelé leur stand après avoir vendu leurs accrochages initiaux, Hauser & Wirth, par exemple, présentait de nouvelles œuvres de Gary Simmons, Mike Kelley, Rita Ackerman et Angel Otero. Les galeries de taille moyenne, comme Cécile Fakhoury, ont pu se reposer sur leurs lauriers après avoir vendu la quasi-totalité de leur stand – dédié ici à Elladj Lincy Deloumeaux, qui a également conçu le stand – à des prix compris entre 30 000 et 40 000 euros, et attendre que les VIP reviennent à la foire pour un second tour plus tard dans la journée. « Nous sommes très heureux de l’ouverture de Paris+. Le travail d’Elladj Lincy Deloumeaux a immédiatement séduit les collectionneurs. La plupart des œuvres ont été vendues dès la matinée, le jour VIP de mercredi », a déclaré la directrice Delphine Lopez.
« Entre les ventes d’œuvres montrées sur le stand et celles réalisées sur photo, nous avons cédé autour de 40 pièces, à des institutions et collections françaises, luxembourgeoises, américaines, colombiennes, coréennes. L’intérêt pour Supports/Surface est toujours grandissant », explique Loïc Garrier, codirecteur général de Ceysson & Bénétière.
Pour Nathalie Vallois (galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois), « le monde va mal avec des crises sans précédent, mais c’est compensé depuis dix ans par un accroissement du nombre de collectionneurs. On peut dire que les gens trouvent dans l’art une évasion mentale face à la réalité mondiale difficile, mais la vérité c’est qu’il y a une augmentation exponentielle des gens fortunés et donc d’acheteurs, souvent pointus. On le ressent depuis deux ans ». La galerie a notamment vendu deux Compressions de César à des Européens. Elle montre entre autres une merveilleuse horloge de Niki de Saint Phalle créée en hommage à Jean Tinguely après sa mort en 1992 et s’inspirant de ses mécanismes savants, s’ouvrant sur un ciel étoilé. Elle a été vendue avant la foire autour de 250 000 dollars H.T. Cet afflux de nouveaux collectionneurs explique en partie l’explosion du nombre d’artistes et d’œuvres sur le marché. « La pression est vive, il y a beaucoup de concurrence avec une offre très forte. On a envie que ça marche pour nos artistes. Or les gens n’ont pas un budget illimité, ils ne peuvent pas tout acheter. Il faut sans arrêt convaincre de nouveaux acheteurs même si beaucoup de monde vient sur la foire », explique Marion Papillon. La galerie présente des œuvres de Gaëlle Chotard, Erik Dietman, Javier Pérez et Elsa Sahal.
Un galeriste de niveau intermédiaire estime que les expositions à Paris sont « de trop haut niveau » cette année. Et que, paradoxalement, le riche patrimoine culturel de Paris et ses institutions de renommée mondiale l’empêchent sans doute de rivaliser un jour avec Bâle qui dispose de beaucoup moins d’institutions rivalisant avec sa foire. « La concurrence de Paris+, c’est Paris, lance un exposant. Mais c’est aussi cela qui contribue à faire venir beaucoup de monde dans la capitale ». Ainsi, « il y a eu plus d’Américains que j’aurais espéré. Certains visiteurs, asiatiques notamment, sont arrivés dès la semaine dernière à Paris; de là ils ont fait un saut à Londres avant de revenir pour Paris+, la capitale française étant leur base », confie Nathalie Obadia. Sa galerie a bien vendu le premier jour, entre autres des pièces de Wang Keping ou de Laure Prouvost. La pièce la plus chère sur le stand est un tableau de Mickalene Thomas autour de 600 000 euros.
L’absence d’œuvres à prix stratosphérique (à l’exception du Rothko de Pace, affiché à 40 millions d’euros) pourrait également s’expliquer par le calendrier: la saison des ventes battant son plein, les marchands sont beaucoup plus susceptibles de consigner leurs œuvres dans une maison de ventes aux enchères que dans une galerie. Ou encore par le souhait de conserver les pièces haut de gamme chez eux ou dans leurs réserves, comme des actifs, en attendant des jours meilleurs ?
La plupart des prix les plus élevés de la foire étaient hier de l’ordre de quelques millions de dollars, comme une peinture de Kerry James Marshall vendue chez Zwirner pour 6 millions de dollars et Female Portrait Composition (2023) de George Condo, vendue pour 3 millions de dollars chez Hauser & Wirth. Mais ces prix semblent un peu plus élevés qu’à Frieze la semaine dernière.
Mais des prix élevés sont-ils le seul critère pour juger une foire ? Certains spécialistes estiment que les galeries prenaient plus de risques à Paris+, à condition d’avancer vers le fonds de la foire, ce qui rend l’expérience de la foire plus excitante, à l’instar du stand de Seventeen dédié à Joey Holder. Cela s’ajoute à l’effervescence qui règne à Paris et ajoute à la foire une dimension que l’argent ne peut pas acheter.