La fameuse « icône » découverte dans le couloir d’une cuisine de Compiègne entre au Louvre ! Beaucoup se souviennent du 27 octobre 2019. Ce jour-là, Michel Laclotte, qui fêtait ses 90 ans, avait les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur, espérant que le Louvre préempte La Dérision du Christ de Cimabue lors de la vente aux enchères organisée par Maître Dominique Le Coënt à Senlis. Devant quelque 800 personnes, l’œuvre était adjugée 24,18 millions d’euros (avec les frais) à Moretti Fine Art pour le compte d’« un mystérieux » client américain.
Deux mois plus tôt, le Cabinet Turquin avait annoncé la découverte du petit panneau provenant du même ensemble que les œuvres de dimensions semblables conservées à la Frick Collection à New York et à la National Gallery de Londres. Les liens avec les panneaux américain et anglais étaient d’autant plus éloquents que le Cabinet Turquin était parvenu à reconstituer les galeries d’insectes qui correspondent d’une œuvre à l’autre ou encore les mêmes traces de barbes de la couche picturale qui bordait les côtés. Découvrir une œuvre du maître de Giotto dont le corpus ne compte qu’une quinzaine de numéros, essentiellement des fresques, n’est pas commun, mais cet événement était prévisible. À l’occasion de l’exposition « Cimabue and Early Italian Devotional Painting » en 2006 à la Frick Collection, Miklós Boskovits et Gordon Dillian, qui présentaient côte à côte les panneaux de la Frick Collection et de la National Gallery, suggéraient en effet une proposition de reconstitution de séquence iconographique du volet gauche d’un diptyque, retable perdu dont il manquait en haut à droite le Baiser de Judas et, en bas à droite, une Dérision du Christ ! Voici donc cette dernière au Louvre ! Et le suspense aura duré bien au-delà des trente mois prévus dans le cadre légal des Trésors nationaux, qui permet à l’État d’acquérir un bien dont le certificat d’exportation a été refusé.
Parallèlement, grâce au legs de Guy Maherault à la Société des Amis du Louvre, le musée devient propriétaire d’un « nouveau » dessin de Victor Hugo, Marine Terrace, réalisé à Jersey et conservé jusqu’à il y a peu dans les collections des descendants de l’un de ses intimes. À la suite d’un « billet d’humeur » intitulé « Open bar au Louvre » publié dans la Gazette Drouot du 14 juillet 2023, cette acquisition a fait l’objet d’un droit de réponse le 12 octobre dans les mêmes colonnes par le président de la Société des Amis du Louvre, Louis-Antoine Prat. Avec beaucoup de cœur et de passion, le très célèbre collectionneur de dessins et donateur du Louvre écrivait : « il nous est paru impossible de laisser sortir de France une telle œuvre, parfait témoignage du génial dessinateur qui fut aussi un homme politique plus que courageux et un écrivain à l’immense talent ». Avant que la feuille ne soit classée Trésor national, elle avait été proposée à la Maison de Victor Hugo à Paris, qui avait décliné l’offre. La Société des Amis du Louvre a ainsi « sauvé » ce dessin unique.