Les plus grands noms de l’histoire de l’art du XXe siècle réunis aux enchères dans une seule corbeille : Phillips a réussi un coup de maître en décrochant la vente d’une partie de la Triton Collection Foundation, le 14 novembre 2023, à New York. Sur plus de 200 pièces réunies par le magnat néerlandais du transport maritime et du pétrole Willem Cordia et sa femme, Marijke van der Laan, ces 30 lots sont estimés dans leur totalité à 70 millions de dollars (60 millions d’euros) – l’ensemble est garanti. Après la disparition de l’homme d’affaires en 2011, la collection a été abritée dans une fondation. En 2015, 48 œuvres sur papier avaient été vendues à Paris chez Christie’s pour un total de 9,8 millions d’euros.
« Le couple a commencé à acheter à deux, à l’ancienne. Ils venaient à Paris, faisaient le tour des galeries, à une époque où l’on prenait le temps de tout voir. Ils n’étaient pas du tout des acheteurs compulsifs et n’avaient pas de conseiller », explique Nathalie Zaquin-Boulakia, directrice France pour l’art du XXe siècle et contemporain chez Phillips. Des achats en galerie qui expliquent la fraîcheur de la collection sur le marché : sur les 30 œuvres, 24 ne sont jamais passées aux enchères !
Plutôt que de créer un musée à leur nom, le couple a préféré prêter les pièces à 84 musées aux Pays-Bas et hors de ses frontières, de la Tate Modern, à Londres, au Yokohama Museum of Art, au Japon, en passant par le Museum od Modern Art (MoMA), à NewYork. « Actuellement, la collection continue à travers la fondation et avec leurs enfants », précise Nathalie Zaquin-Boulakia. Les héritiers ont-ils anticipé des changements de goûts ? Ils assurent en tout cas avoir la volonté de recentrer la collection sur l’art plus contemporain…
« VIVRE L’AVANT-GARDE »
Deux œuvres très proches dans le temps et dans l’esprit cubiste dominent cet ensemble. D’une part, Le 14 Juillet (1912-1913) de Fernand Léger évalué entre 15 et 20 millions de dollars (14-19 millions d’euros). Au verso du tableau, une autre toile Fumées sur les toits (1911-1912) a pu être sauvée par les restaurateurs. Deux œuvres pour le prix d’une ! D’autre part, Femme en corset lisant un livre (1914-1918) de Pablo Picasso, acquise en 2010 à la galerie Acquavella (New York) attend preneur pour la même estimation.
La ligne de la collection ? « Les avant-gardes de chaque époque », résume Nathalie Zaquin-Boulakia. On constate la présence d’un noyau d’œuvres charnières réalisées autour de 1910, choisies avec soin, et acquises souvent
vers 2000. Pour les impressionnistes : Le Petit Déjeuner après le bain (vers 1894) d’Edgar Degas, prétexte à un nu intimiste, est estimé de 2,5 à 3,5 millions de dollars (2-3 millions d’euros). Il fut acquis chez Hopkins-Custot, à Paris, en 2001. Le groupe d’œuvres de Nabis comprend : Paysage de Bretagne (1892) par Émile Bernard (1,2-1,8 million de dollars, soit 1,1-1,7 million d’euros) ; La Cueillette des pommes (1891) de Paul Sérusier (1,5-2 millions de dollars, soit 1,4-1,9 million d’euros) ; ou Le Cantique des cantiques (1891) d’Édouard Vuillard (1-1,5 million de dollars). S’y trouve aussi Tête de jeune fille (Louise) peint par Amedeo Modigliani en 1915 (4-6 millions de dollars, soit 3,8-5,7 million d’euros). Plus loin, la section « Après-guerre » inclut des œuvres de Joan Mitchell (8-12 millions de dollars, soit 7,6-11,3 millions d’euros) ou encore Jean Dubuffet, Piero Manzoni, Louise Bourgeois, Yves Klein…
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« Living the Avant-Garde : The Triton Collection Foundation », 14 novembre 2023, Phillips, 432 Park Avenue, New York.