La question des provenances préoccupe de plus en plus le monde de l’art. Alors que le ministère de la Culture a annoncé la réactivation de l’Observatoire du marché de l’art avec entre autres missions de mettre l’accent sur ce sujet, le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) vient d’introduire un chapitre sur la recherche de provenance dans son Code de déontologie. « Ces dernières années, la multiplication des restitutions de biens spoliés pendant la Shoah, la révélation des problèmes de pillages archéologiques et de sorties illicites notamment dans les zones de conflits ont révélé l’importance de la question de la provenance et de la traçabilité des œuvres d’art », explique le CPGA.
Rédigé sous la direction du vice-président du Comité, Benoit Sapiro, avec Gaëlle de Saint-Pierre, co-déléguée générale, et le concours des membres du conseil de direction Marie-Amélie Carlier, Marie Deniau et Antoine Laurentin, il a pour finalité « d’éveiller les esprits. C’est la première étape », confie Benoit Sapiro. « Tout le monde de l’art est en train de travailler sur le sujet de la provenance, explique-t-il. Nous faisons partie du CINOA [fédération internationale représentant près de 5 000 galeristes et marchands, ndlr], sur laquelle l’Unesco met la pression pour adopter un code de déontologie qu’elle définirait. Or, un code de déontologie n’a pas de valeur légale au départ, et il ne peut être imposé par un organisme extérieur ». L’objectif du comité est de montrer que la profession s’empare du sujet spontanément. Et de souligner que les membres du CPGA sont responsables de ce qu’ils vendent, et « endossent le Code dès lors qu’ils deviennent membres ».
Nourri par des échanges avec des universitaires, chercheurs, avocats et spécialistes du sujet, dont David Zivie, responsable de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés , et son équipe, le nouveau chapitre aborde les grands principes de la recherche de provenance, la méthodologie de recherche, et comprend un répertoire des bases de données et archives de référence permettant de mener les recherches. Et de préciser que les membres du CPGA doivent exercer une vigilance particulière pour les biens culturels « antérieurs à 1945, pour lesquels il est nécessaire de tenter de retracer l’historique durant la période 1933-1945, afin de s’assurer, dans la mesure du possible, que celui-ci n’a pas fait l’objet d’une spoliation ou d’une vente forcée sous le régime nazi ». Mais aussi pour tout bien issu « de pays dit "sources" pour lequel il est nécessaire de s’assurer que sa sortie du territoire d’origine n’est pas illicite, par exemple et sans que cette énumération soit limitative : œuvres provenant d’Amérique centrale, d’Égypte, de Turquie, mais aussi d’Espagne ou d’Italie ». Et enfin, pour les biens « provenant de zones de conflits pour lesquels il est nécessaire de tenter de s’assurer qu’ils ne sont pas issus d’un trafic illicite, par exemple et sans que cette énumération soit limitative, l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie ou la Libye ». Le CPGA a présenté au CINOA une version adaptée du chapitre, avec l’espoir qu’elle soit adoptée par l’association professionnelle mondiale. Reste à savoir quel sera, « à long terme, le sort des 90 % des œuvres et des objets de second marché qui n’ont pas de provenance » et sont considérés « comme orphelins », conclut Benoit Sapiro.