Dans sa somptueuse demeure parisienne, l’Hôtel de Lannion, décoré par François-Joseph Graf, deux mondes se côtoyaient sans vraiment se fréquenter. Au rez-de-chaussée, Hubert Guerrand-Hermès, l’un des héritiers de la maison de luxe, avait recréé des salons classiques à la française. Relégué au sous-sol, l’art contemporain s’y déployait en majesté. En fin d’après-midi, ce 13 décembre, Sotheby’s disperse, à Paris, 60 lots réunissant les deux. Tout comme dans la scénographie de son exposition signée elle aussi François-Joseph Graf, elle veut montrer que le mobilier ancien se marie bien avec les grands noms des XXe et XXIe siècles… Estimé 10 à 15 millions d’euros, l’ensemble, près de mille lots, sera dispersé jusqu’au 15 décembre et aussi en ligne jusqu’au 18 décembre.
Parmi les points d’orgues de la vente du soir figure une chaise royale Louis XVI créée par Georges Jacob pour le boudoir de Marie-Antoinette au château de Versailles. Sotheby’s n’a pas souhaité divulguer l’estimation. « Il s’agit d’une des deux chaises de ce type connues pour le boudoir, l’autre est partie en Allemagne », confie la spécialiste Marine de Cenival, en charge de la vente. Cet exemplaire-ci a appartenu à la comtesse Greffulhe, celle-là même qui a inspiré à Proust le personnage de la duchesse de Guermantes. Guerrand-Hermès l’avait acheté en 2000 dans une vente de Jean-Claude Binoche. Figurent aussi dans la vente six chaises en noyer doré d’époque Louis XVI, également de Georges Jacob, livrées cette fois pour le salon du comte d’Artois au pavillon de Bagatelle en 1778. Ils sont estimés 200 000 à 300 000 euros. Ou encore une commode Louis XV estampillée BVRB livrée au château de Bellevue et qui porte la même estimation.
L’art contemporain se glisse donc dans la vente du soir avec entre autres un petit Gerhard Richter (est. 60 000-90 000 euros), un Concetto Spaziale doré de Lucio Fontana évalué à 300 000-500 000 euros, ou Peinture 130 x 162 cm de Pierre Soulages. La peinture de 1970 est estimée entre 600 000 et 800 000 euros. Parmi les peintures anciennes, une nature morte aux grappes de raisins de Pierre Antoine Lemoine est évaluée 100 000 à 150 000 euros. L’artiste a poussé le sens du détail à représenter la trace de la bave de l’escargot… Le tableau « était le morceau de réception de l’artiste à l’Académie, qui l’offre ensuite à Mazarin », précise Marine de Cenival.
Quel sera par ailleurs l’intérêt pour les quelque 500 lots consacrés à la duchesse Marie-Caroline de Berry, belle-fille de Charles X et folle passion d’Hubert Guerrand-Hermès qui achetait tout ce qui passait sur le marché pendant des années ? L’héritier d’Hermès épousera même une de ses descendantes ! Lettres, documents, tableaux, livres et autres témoignages historiques font revivre cette figure étonnante, cette exilée au destin tourmenté, princesse des Deux-Siciles qui dût fuir Naples à l’arrivée de Napoléon Ier. Bon à savoir : tous les lots estimés en dessous de 3 000 euros n’ont pas de prix de réserve…
« Collection Hubert Guerrand-Hermès », les 13, 14, 15 décembre, et jusqu’au 18 décembre 2023 en ligne, www.sothebys.com