Décédé d’un cancer ce 8 janvier 2024, Paul-Armand Gette aurait eu 97 ans en mai prochain. S’étant d’abord orienté vers les sciences de la nature, il embrasse rapidement la carrière artistique tout en empruntant à la botanique, à la géologie, à la vulcanologie un langage et une poésie qui l’inspirent.
À Nice, au tournant des années 1950, il fait la connaissance des futurs nouveaux réalistes, fréquente Ben, Robert Filliou, est proche de Bernard Heidsieck avec lequel il intervient en public, lui dessinant et Heidsieck récitant un poème. Ce goût de la performance marque durablement son œuvre. En hommage au naturaliste suédois Carl von Linné, il lit sur scène, en latin, des pages et des pages de noms de végétaux, et, tout au long de sa vie, donne d’innombrables conférences dans un style d’un raffinement extrême.
Il publie aussi quantité de textes, non dénués d’humour. L’amour des plantes auquel l’avait éveillé une petite fille lorsqu’il avait 8 ans, puis celui de l’Alice mythique de Lewis Caroll le conduisent très vite vers la mythologie, et, de là, inévitablement vers l’intérêt pour les petites et jeunes filles réelles qui deviennent ses modèles. Celles-ci, contrairement aux modèles professionnels, sont toujours nommées par leur prénom : Nathalie, Emmanuelle, Camille. Avec elles, il crée une œuvre mêlant divers médiums : photographie, sculpture, dessin, peinture, vidéo, etc. Il se livre aussi à l’occasion à des lectures théâtralisées ou des séances de coloriage en compagnie de modèles dénudées. Certaines jeunes filles l’accompagneront pendant plusieurs décennies, passant de la petite fille à l’adolescente, puis à la jeune femme, à l’instar de Sophie V. Toutes jouent un rôle fondamental dans la construction de l’image produite par l’artiste.
Attaché à leur laisser un maximum de liberté, Gette se contente parfois de les regarder bouger. Ou bien, il les interroge sur leur désir ; l’une dit : « Je voudrais aller à la plage », alors, ils vont à la plage. Une autre souhaite se promener dans un parc, une autre faire un tour en barque, etc. « J’intervenais très peu, raconte-t-il dans un film de Sylvie Boulloud, Paul-Armand Gette au pays des merveilles, projeté au cinéma Saint-André des Arts à Paris en juin 2023.Les seules choses que je me permettais, c’était de suggérer quelquefois un endroit ou de rectifier une boucle de cheveux. Je n’ai jamais utilisé d’image qu’elles n’avaient pas vue et acceptées auparavant ». Un jour, dans un supermarché de Berlin, il achète une culotte décorée de petits cœurs. Une autre fois, en Suède, il trouve des culottes comportant le mot « colour ». Il les photographie sur la plage ou sur l’herbe, arrangées comme des natures mortes. Il n’ajoute rien ; cela suffit pour déclencher l’imaginaire du public. Rétif aux étiquettes et refusant de séparer l’art et la science, il revendiquait une position d’amateur. Son œuvre est une célébration de la beauté fragile de la jeunesse. Elle restera pour sa grâce et sa fraîcheur.