À l’occasion de son 125e anniversaire, le Städel Museum de Francfort a reçu en don du collectionneur Hans-Jürgen Hellwig l’une des plus importantes collections d’œuvres d’Honoré Daumier en dehors de la France. Une sélection de ces œuvres sera exposée au musée du 24 janvier au 12 mai 2024.
Hellwig a donné à l’association des amis du Städel en juin 2023 cet ensemble, composé de 4 200 lithographies et gravures sur bois, 19 dessins, 2 peintures et 2 sculptures en bronze de l’artiste français du XIXe siècle. Nombre de ces pièces n’ont jamais été exposées au public. Le Städel va en présenter 120, dont 17 dessins.
Cette donation va faire du Städel « l’un des plus importants centres de recherche sur Daumier en Allemagne », a déclaré Philipp Demandt, le directeur du musée. Il a promis une exposition qui « offrira aux visiteurs un plaisir sensuel, aiguisera les esprits et invitera au débat sur les questions fondamentales de notre époque ».
Surtout connu pour ses caricatures, Daumier a été un commentateur satirique acerbe de la politique de son temps ; un républicain qui méprisait souvent le roi Louis Philippe Ier et un fervent défenseur des idées libérales et de la liberté d’expression. Les caricatures de Daumier étaient publiées dans les journaux La Caricature et Le Charivari. Des contemporains tels qu’Eugène Delacroix et Charles Baudelaire admiraient son talent de dessinateur.
Certaines des gravures de la collection Hellwig portent les commentaires de censeurs, « ce qui donne un aperçu fascinant du processus complexe de publication de ces pages à l’époque de la censure », selon le communiqué du Städel. Après le durcissement de la censure en 1835, les caricatures du Charivari se concentrent principalement sur des observations satiriques de la société et de la vie quotidienne.
Daumier crée le personnage de Robert Macaire, un escroc sans scrupule qui cherche à s’enrichir rapidement et qui incarne de façon moqueuse la mentalité matérialiste de la monarchie de Juillet.
Plus tard, il créera Ratapoil, un policier officieux et mal habillé, employé par le président de la République et futur empereur Louis Napoléon Bonaparte. Les thèmes abordés par Daumier vont des expositions universelles aux chemins de fer et au réaménagement de Paris par le baron Haussmann, en passant par l’invention de la photographie. Une œuvre de 1862 présentée dans l’exposition s’intitule Nadar élevant la photographie au rang d’art.
Avocat et élu local de Francfort, Hellwig collectionne des œuvres d’art depuis soixante ans. Il a été conseillé par Margret Stuffmann, ancienne conservatrice des estampes et des dessins au Städel, qui l’a encouragé à compléter sa collection de caricatures politiques de Daumier en y incluant des peintures, des dessins et des sculptures, et l’a mis en contact avec des marchands du monde entier. Hellwig a également siégé pendant plus de trente ans au conseil d’administration de l’association des amis du Städel. Cet ensemble témoigne d’un intérêt particulier pour les lithographies politiques de Daumier.
Sa collection a commencé, écrit-il dans l’introduction au catalogue de l’exposition, avec son père et avec Konrad Adenauer, le premier chancelier de l’Allemagne de l’Ouest dans l’après-guerre. Le père de Hans-Jürgen Hellwig, grand collectionneur de cartes historiques, était membre du parlement allemand. Chargé d’acheter un cadeau pour Adenauer au nom de la commission parlementaire des affaires économiques, il fit l’acquisition d’un certain nombre de caricatures politiques. Parmi celles-ci, il mit de côté deux œuvres de Daumier qui n’étaient pas en parfait état. Il les offrit au jeune Hans-Jürgen. « Mais il te faut maintenant chercher à en savoir plus : qui était Daumier, qui sont les personnes représentées et pourquoi elles ont été caricaturées ? », lui dit-il. Le fils souhaitait collectionner, mais il ne voulait pas entrer en concurrence avec son père et ses cartes. « C’est donc par l’intermédiaire d’Adenauer que j’ai découvert Daumier », écrit-il.
« Honoré Daumier. La collection Hellwig », du 24 janvier au 12 mai 2024, Städel Museum, Francfort, Allemagne.
À voir aussi :
« Balzac, Daumier et les Parisiens », jusqu'au 31 mars 2024, Maison de Balzac, 47,rue Raynouard, 75016 Paris.