« Les collections Barbier-Muller sont un monde à part, une galaxie de chefs-d’œuvre dont la qualité et la diversité semblent renvoyer à un âge où collectionner, vivre entouré d’art, n’avait pas tout à fait le même sens qu’aujourd’hui », écrit avec une pointe de nostalgie Stéphane Martin, président honoraire du musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris, qui fut un grand ami de cette famille de collectionneurs suisses sur trois générations.
Pénétrer dans l’hôtel particulier du couple Jean Paul et Monique Barbier-Mueller à Genève, c’était en effet découvrir l’extraordinaire ouverture intellectuelle de ces esthètes, dont les goûts complémentaires les portaient indifféremment vers les arts d’Afrique et d’Océanie, l’archéologie classique, la statuaire d’Insulinde, la bibliophilie, ou l’art contemporain. Reflet de cet éclectisme hérité de Josef Mueller, le père de Monique décédé en 1977, leur belle demeure genevoise faisait ainsi cohabiter dans une parfaite harmonie des toiles de Cézanne ou de Ferdinand Hodler, des idoles cycladiques, des boucliers du Sepik, des statuettes Baoulé de Côte d’Ivoire, une toile de Warhol, une sculpture de Tinguely…
La fine fleur des arts premiers
On devinera donc aisément l’excitation des amateurs d’arts premiers lorsque Christie’s mettra en vente le 6 mars une centaine de statues, masques et autres objets d’Afrique et d’Océanie rassemblés par cette famille de collectionneurs dès le premier tiers du XXe siècle. Brossant en filigrane l’histoire du marché de ces arts « lointains » dont la cote ne cesse de flamber, la vente offrira aussi l’opportunité d’admirer ces chefs-d’œuvre, avant leur dispersion dans d’autres collections, muséales ou privées.
Parmi les « icônes » estampillées « Barbier-Mueller », l’on ne manquera pas ainsi de porter son regard vers cette tête de reliquaire Fang Betsi acquise en 1939 lors d’un séjour parisien par Josef Mueller auprès d’Antony Innocent Moris, dit « le Père Moris », un ancien policier qui deviendra l’un des plus grands marchands d’ethnographie de son époque. D’une élégance suprême avec sa belle patine sombre et son regard hypnotique, cette œuvre soutient aisément la comparaison avec une autre pièce conservée au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris.
Autre joyau de la collection, un masque-antilope Kwélé du Gabon fut, quant à lui, acquis en 1979 par le couple Barbier-Mueller, probablement séduit par la pureté de ses lignes et la sobriété de sa bichromie. En raison de ses qualités plastiques, son estimation oscille entre 300 000 et 500 000 euros.
Enfin, un superbe bouclier de prestige des îles Salomon acquis par Josef Mueller en 1939 nous rappelle combien les arts d’Océanie occupent une place de choix au sein de cette collection. Il est estimé par Christie’s entre 500 000 et 700 000 euros…
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Vente « Barbier-Mueller. Art as legacy », mercredi 6 mars 2024 à 15 heures, exposition du 29 février au 6 mars 2024, Christie’s, 9 avenue Matignon, 75008 Paris