Le Mobilier national, ancien garde-meuble de la Couronne dont la mission est de meubler les lieux officiels de la République, comme les ministères et les ambassades, lance chaque année, depuis 2020, un appel pour acquérir des pièces auprès de designers contemporains et de galeries. Une cinquantaine de nouvelles acquisitions par 30 designers ont été dévoilées le 1er février 2024 au Mobilier national, basé aux Gobelins, à Paris. « Pour la première fois, il y a plus de femmes que d’hommes », a déclaré Hervé Lemoine, directeur du Mobilier national.
L’institution, qui est rattachée au ministère de la Culture, a reçu plus de 200 candidatures correspondant à plus de 400 pièces. Un budget de 300 000 euros était réservé pour les acquisitions. Beaucoup d’entre elles témoignent de la bonne santé de l’artisanat, du savoir-faire des métiers d’art français et d’une sensibilité pour la sculpture.
« Je trouve que, cette année, c’est un millésime particulier, c’est peut-être dû à la grande diversité des formes, des couleurs et des matériaux », a affirmé Hervé Lemoine. « Quand on parle de mobilier, on parle de lampes, de bureaux, de tables, de chaises, et renouveler les formes, ce n’est vraiment pas évident », a-t-il précisé.
Deux guéridons en céramique recouverts de motifs tartan bleu, par Alice Gavalet, sont un bel hommage aux couleurs du Mobilier national. Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, la designer est une artiste céramiste qui collabore avec la Galerie italienne à Paris. Elle fabrique à la main des vases en faïence chamottée, des lampes et des meubles dans son atelier à Nogent-sur-Marne. L’acquisition de ses œuvres n’est pas sans évoquer le rapprochement du Mobilier national avec la Manufacture de Sèvres, une mission souhaitée par l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et soutenue par sa successeure, Rachida Dati.
Parmi les autres œuvres remarquables, figure le fauteuil Taglio de Rodolphe Parente, qui fut le président du jury et l’invité d’honneur de la Design Parade Toulon en 2022. Imaginé comme un cube ou une forme primitive, ce fauteuil intégrant un accoudoir courbé a été sculpté dans un sol bloc de frêne. Selon Rodolphe Parente, cette pièce est une « opposition de formes » entre le côté minimaliste du cube et la sensualité de la courbe.
La table Face à face par Camillo Bernal, designer colombien âgé de 28 ans, et Blanche Mijonnet, architecte d’intérieur française de 26 ans, qui se sont rencontrés à l’École Camondo à Toulon, est également surprenante. Pour créer cette table ludique reposant sur quatre arches en aluminium, ce binôme a travaillé avec des artisans locaux, l’Atelier François Pouenat et l’Atelier Tollis. Le plateau en cuir dévoile, quand on le retourne, une peinture avec des chimères de Florent Groc. Pour accompagner cette table destinée à encourager la discussion, les designers ont développé un banc, Duode.
Cette cuvée marque l’entrée dans le fonds de plusieurs jeunes designers de moins de 30 ans. Valérie Douangphrachandr, 25 ans, architecte d’intérieur diplômée de l’École Camondo, a créé une gamme de mobilier, Itération, dont la table longue figure parmi les acquisitions. La designer a récupéré des chutes de panneaux de bois et contreplaqués à la Réserve des Arts à Marseille et dans les ateliers des menuisiers qu’elle a ensuite fixées sans quincaillerie.
Le paravent Ekko d’Anouche Hachmanian et Linda Bayon illustre également le potentiel d’upcycling. Ce duo a utilisé du plexiglas recyclé et de l’acier afin de produire ce paravent modifiable et vif qui change avec la lumière.
Parmi les luminaires sélectionnés, Hervé Lemoine met plus particulièrement en exergue Rigel par SB26, une marque créée par le designer Samuel Accoceberry et le ferronnier d’art Bruce Cecere. Rigel est composée de deux lingots en pâte de verre dont les bulles diffusent une ambiance scintillante au-dessus d’une base en acier bleu ; les effets de lumière sont renvoyés par deux réflecteurs en acier onyx poli miroir.
Il faut enfin souligner Bichette par Pauline Androlus, une lampe nomade graphique, la maille du métal évoquant un filet de pêche, et Jeanne#1, une lampe organique en grès blanc et fils de laine, par Elisa Uberti.