La résolution prise l’an passé est respectée. Si le « Nouveau Printemps » de Toulouse conserve, cette année, son format – en l’occurrence, une durée d’un mois et « un budget d’un million d’euros que nous avons réussi à consolider, soit 800 000 euros de subventions, le reste en mécénat », dixit Eugénie Lefebvre, la présidente du Festival –, il se devait, néanmoins, de se réinventer, chaque année, dans un nouveau quartier et sous la houlette d’un ou une « artiste-associé(e) » également renouvelé(e).
C’est indéniablement le cas pour l’opus 2024, 2e du nom donc, qui se déploiera, du 30 mai au 30 juin, dans un district historique de la « ville rose » : le quartier Carmes/Saint-Étienne, planté sur la rive droite de la Garonne. L’échelle du site est l’essence même de ce Festival de création contemporaine : « Changer de quartier, c’est multiplier les regards. Le Festival se transpose ainsi, chaque année, sans perdre son sens, explique Eugénie Lefebvre. L’idée est de créer une expérience très locale, à parcourir à pied, et, au-delà du local, de faire rayonner cet ancrage territorial à l’échelle nationale et européenne. L’an passé, nous avons accueilli 60 000 visiteurs ».
Après la designeuse Matali Crasset qui a essuyé les plâtres de l’édition inaugurale, l’artiste-associé est, cette année, le réalisateur Alain Guiraudie, 59 ans, né à Villefranche-de-Rouergue, à 2 heures de route de Toulouse, et auteur entre autres des longs métrages Rester vertical ou Viens je t’emmène. « J’ai d’abord été très flatté que l’on me demande de dessiner une édition d’un festival d’art contemporain, puis aussitôt après, un peu inquiet, raconte-t-il. L’art contemporain, c’est un drôle de ‘‘truc’’, ça fait un peu peur. Certes, je vais voir des expositions, mais je suis un peu loin [de ce milieu]. J’ai finalement accepté la mission. Mon plus gros souci était de savoir par quel bout l’aborder. J’ai choisi de le faire par le biais des questions que je me pose habituellement sur le cinéma ou sur l’art : À quoi ça sert ? C’est quoi cette chose complètement inutile, mais qui nous est fondamentalement nécessaire ? L’art qui m’intéresse est celui qui bouscule les codes en vigueur, qui confronte le réel et l’irréel, le laid et le beau, qui fait se télescoper des choses antinomiques. Nous sommes aujourd’hui dans un monde incertain et, en même temps, complètement certain : si on continue comme cela, on va droit dans le mur, l’espèce humaine peut disparaître et nous en sommes conscients ! L’art a toujours englobé moult prévisions. Je suis parti des mots dystopie et utopie et je suis allé voir ce que fait la jeunesse. J’ai invité une majorité de trentenaires et de quadras ».
Pour cette 2e édition, une vingtaine d’artistes – dont Jennifer Caubet, Pablo Valbuena, Alice Brygo ou le duo Mazaccio & Drowilal – ont été invités à investir une dizaine de lieux, du Musée des arts précieux au Monument à la gloire de la Résistance, en passant par la crypte du Palais de Justice, ainsi que l’espace public. Centre névralgique de la manifestation, le parking des Carmes, étrange édifice cylindrique datant de 1966, accueillera, lui, deux installations d’ampleur : l’une en son sein (signée Neïl Beloufa) et l’autre sur le toit (de Mimosa Echard).
Outre l’installation, divers médiums seront donnés à voir – dessin, peinture, sculpture, céramique, photographie… –, mais il en est un qui, présenté en majesté, évoque à l’envi l’inclination de l’artiste-associé 2024 : le film, à l’instar de cette vidéo de Sara Sadik intitulée Zehefology et entièrement tournée en vision thermique, qui sera projetée au Musée des Augustins.
Selon le dicton « On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même », Alain Guiraudie, également photographe, exposera, lui, ses propres clichés : « Mon travail de photographe commence là où s’arrête mon travail de cinéaste, assure-t-il. C’est le moment où je m’empare du réel… » À l’Hôtel de Bruée, il accrochera deux séries incluant des inédits : l’une sur « la journée d’un couple dans la ville de Tourcoing », l’autre sur « une tentative de mythification du terrain vague ».
Des commerçants, enfin, exposeront des œuvres que Guiraudie aura sélectionnées dans le fonds des Abattoirs, Musée-FRAC Occitane Toulouse.
Le vendredi 31 mai, le programme La Nuit des cours (avec le mot cour sans « t ») consistera en la projection de films d’artistes dans des cours d’hôtels particuliers. Une myriade de « fenêtres » sur cour en quelque sorte…
Le Nouveau Printemps, du 30 mai au 30 juin 2024,Toulouse, www.lenouveauprintemps.com