« L’écho de Picasso », l’exposition présentée jusqu’au 31 mars 2024 par le Museo Picasso Malaga, situé dans la ville d’enfance du peintre, aurait pu se révéler un exercice purement artificiel, un fourre-tout tissant des liens improbables avec le maître espagnol. Il n’en est rien. Organisée par la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso (qui prête une partie des œuvres), avec le soutien du Musée national Picasso-Paris et du comité national espagnol pour les commémorations du 50e anniversaire de la mort de l’artiste, elle évoque l’influence de ce dernier sur plusieurs générations. Avec parfois des surprises.
Le parcours conçu par le commissaire Éric Troncy rassemble 85 œuvres de 55 artistes, de Willem de Kooning à Jeff Koons en passant par Louise Bourgeois, Jean-Michel Basquiat, Peter Halley – qui créa quinze tableaux inspirés du maître –, Martin Kippenberger mais aussi… Picasso lui-même. Certaines pièces n’ont jamais été montrées, dix-sept œuvres ayant été créées pour l’exposition ou recréées dans une nouvelle version, tel le tableau de Jameson Green inspiré du Massacre en Corée de Picasso datant de 1953. L’incroyable réseau d’Almine et Bernard Ruiz-Picasso a fait merveille pour dénicher les œuvres prêtées par des collections privées… Certaines pièces proviennent de la propre collection d’Almine Rech.
Dans l’une des salles les plus réussies de l’exposition, son commissaire a réuni des sculptures se faisant écho les unes avec les autres. Elles montrent que les artistes, dans la lignée de Picasso qui, dans les années 1910, créa Le verre d’absinthe, bronze qu’il décida de façon iconoclaste de peindre, ont su faire feu de tout bois et renouveler le genre. Tel est ainsi le cas d’un pied géant en bois, Snorkel, de Georg Baselitz – « fou de Picasso », commente Almine Rech – ; d’un tuba de Jeff Koons de 1985 en bronze, annulant de fait sa nature fonctionnelle en le rendant inutilisable pour la plongée ; ou de Flor de taulera de Miquel Barceló, une œuvre de 2015 en céramique représentant une brique comprimée qui émerge d’un vase. Ces œuvres dialoguent avec une composition en carreaux de céramiques de Rashid Johnson, un tableau-hommage à Picasso du jeune artiste Marcus Jahmal – une table à la tête de taureau –, une peinture de Martin Kippenberger issue de sa série Jacqueline : The Paintings Picasso Couldn’t Paint Anymore de 1996…
Plus loin, une salle consacre un focus à la figure humaine transformée par les artistes, avec notamment un portrait de Michel Leiris par Francis Bacon (un prêt du Centre Pompidou), une peinture de George Condo, ou un moulage du crâne de Picasso par Thomas Houseago qui dira : « une nuit, j’ai rêvé que Picasso me disait : vas-y ! Tu peux peindre ! ». L’artiste britannique de Los Angeles est présent dans une autre salle avec un effrayant Minotaur, surnom souvent donné à l’ogre malaguène, qui consacra de nombreuses séries à ce thème mythologique…
Parmi les autres points forts du parcours figure une évocation des liens de Picasso avec la télévision : c’est un feuilleton qui passait à l’époque sur le petit écran qui inspira l’artiste pour sa fameuse série des Mousquetaires… Un tableau de Genieve Figgis de 2022, intitulé Downtown Abbey, montre ici que l’inspiration télévisuelle est loin de se tarir, en reprenant la célèbre série britannique. Proche ou lointain, l’écho de Picasso n’a pas fini de retentir…
« The Echo of Picasso », jusqu'au 31 mars 2024, Museo Picasso Malaga, Palacio de Buenavista, C. San Agustín, 8, Distrito Centro, 29015 Málaga, Espagne.