Quand la photojournaliste Isabelle Serro et son assistant ont débarqué le 21 mars 2024 sur l’île de Gardi Sugdub, au large du Panama, pour six semaines de reportage, ils ne s’imaginaient pas ce qui allait leur arriver sur place. La photographe avait bénéficié d’une bourse de la création pour effectuer ce voyage, un projet soutenu par le Festival Les femmes s’exposent qui se tient à Houlgate – la prochaine édition se déroulera du 7 juin au 1er septembre 2024 –, le ministère de la Culture et la DRAC Normandie. Elle devait documenter la relocalisation des communautés autochtones, les Kunas. Ces derniers, qui bénéficient d’un régime d’autonomie territoriale, doivent aujourd’hui quitter leur île pour échapper à la montée des eaux induite par le changement climatique et être relogés au Panama. « Préparée et rompue aux terrains difficiles, j’ai abordé ce reportage avec éthique et respect, nous intégrant à la communauté Kuna dans la durée pour comprendre les enjeux de leur déplacement vers la terre ferme, précise Isabelle Serro. Malgré une préparation minutieuse, une expérience journalistique de plus de 15 années en zone de crise et une approche respectueuse des communautés locales, j’ai été confrontée avec mon assistant à un guet-apens sur une des îles de l’archipel des San Blas. Nous avons été menacés de manière extrêmement violente puis séquestrés par un groupe d’une vingtaine de personnes. » Pris en otages le 29 mars, soumis à une demande de rançon, la photojournaliste arrive à conserver son téléphone, avec lequel elle donne l’alerte. Prévenue, Béatrice Tupin, directrice du festival normand, a rapidement « envoyé un mail officiel en racontant tout ce qui se passait à la direction générale de la création artistique au ministère de la Culture, où ils ont été très réactifs, notamment Paul Rechter. Ils ont joint tout de suite Gaëtan Bruel, directeur de cabinet de Rachida Dati. Ce dernier a ensuite transmis toutes les informations au Quai d’Orsay, qui a fait ce qu’il fallait ». Grâce à la mobilisation de l’ambassade de France au Panama, une intervention du SAR Servicio Nacional Aéronaval du Panama et des forces de sécurité du SENAFRONT, présentes à trois heures de navigation de l’île, a permis une libération sans dommage des otages. Placés sous la protection des militaires panaméens, Isabelle Serro et son assistant ont pu regagner le lendemain l’aéroport le plus proche pour rentrer en France. Ils sont aujourd’hui extrêmement choqués et mettent en garde les personnes se rendant sur ces îles. « Cette séquestration, dans un territoire autonome et indépendant des autorités panaméennes, met en lumière les dangers auxquels peuvent être confrontés les journalistes, actuellement, dans cette région, témoigne Isabelle Serro. Aussi, j’appelle mes confrères à une prise de conscience des risques encourus dans cette zone et à la plus grande vigilance pour celles et ceux qui envisagent de s’y rendre prochainement ».
Les images réalisées sur place par Isabelle Serro et son assistant seront exposées lors de la prochaine édition du Festival Les femmes s’exposent, à Houlgate, du 7 juin au 1er septembre 2024.