Quelque 13 000 visiteurs, un chiffre dans la lignée de l’an dernier, ont parcouru les allées de la foire ARCOlisboa du 23 au 26 mai dans le bâtiment tout en longueur de la Cordoaria Nacional, face à l’embouchure du Tage. Dynamisé par un riche programme de rencontres et de débats drainant de nombreux spécialistes et personnalités du monde de l’art, l’événement a accueilli notamment « 90 collectionneurs espagnols, turcs, néerlandais, dont une partie vit ici à Lisbonne », confie Maribel López, directrice de la foire ainsi que d’ARCOmadrid. Soit, selon le salon, un total de 150 collectionneurs aguerris, Européens, Nord- ou Sud-Américains (un peu moins nombreux cette année) en visite ou bien ayant un pied-à-terre au Portugal mais aussi des Français, des Suisses, des Suédois…
« Si la qualité fluctue selon les années, la foire a réussi à se stabiliser, confie Jürgen Bock, Allemand qui dirige un espace d’exposition en ville, Lumiar Cité. ARCOlisboa marche très fort pour nouer des connexions avec les curateurs et les institutions. Certaines galeries locales disposent aussi d’une succursale à Madrid, elles peuvent ainsi jouer sur les deux tableaux, en direction des collectionneurs de Lisbonne mais aussi espagnols ».
Toutefois, les ventes concrètes ont été plus limitées que de coutume, et plus lentes, une tendance constatée par de nombreuses galeries dans d’autres foires en Europe, régionales ou de moyenne importance. L’impact du salon ne se limite cependant pas aux transactions effectuées dans ses murs : maintes enseignes ont ainsi organisé des dîners en ville pendant la semaine d’ARCOlisboa, souvent avec des ventes à la clé, comme cela a été le cas pour la Parisienne Romero Paprocki dont l’artiste Max Coulon a son atelier à Lisbonne.
Outre l’ouverture vers l’Amérique latine, la foire joue à fond la carte de l’Afrique, avec une forte présence de l’art africain contemporain. De retour de Dakar où il participait au programme « off » maintenu malgré le report de la Biennale, le Parisien Christophe Person faisait partie du parcours « art africain » de la foire conçu par la curatrice angolaise Paula Nascimento. Dans la section Opening, son solo show de l’Ougandais Paul Ndema reproduisant en peinture les nattes réservées aux lieux de prière a rencontré un vif intérêt de la part des collectionneurs locaux, le galeriste se réjouissant « d’un marché déjà existant » pour cette scène africaine. La 193 Gallery a elle aussi marqué les esprits avec son solo show haut en couleur de l’artiste marocain Hassan Hajjaj (œuvres entre 18 000 et 35 000 euros, un niveau plutôt conséquent pour cette foire riche en petits prix) et elle est rentrée dans ses frais. « C’était un pari, ici les gens ne connaissent pas l’artiste, qui fait partie de l'exposition "Giants : art from the Dean Collection of Swizz Beatz and Alicia Keys" au Brooklyn Museum de New York en ce moment », précise César Levy.
Dans la section Opening réservé aux jeunes enseignes, Portas Vilaseca (Rio de Janeiro) revenait avec entre autres un focus sur Ana Hupe dont les compositions de pierres et les textes s’inspirent d’Hilma af Klint et du regard de cette dernière sur la théosophie. La galerie notait « énormément de contacts ». Non loin, 4710, galerie géorgienne de Tbilissi, a reçu le Opening Lisboa Prize et verra sa participation à la foire remboursée. Parmi les pièces exposées sur son stand figuraient une étonnante peinture par Tamar Nadiradze montrant une louve allaitant… un groupe de jeunes filles. La galerie participera début juillet à une exposition dans l’espace londonien de Frieze sur Cork Street. Dans le secteur principal, la galerie ATM (Gijón, Espagne) a cédé une pièce de Ixone Sádaba à la collection Kells de Santander pour environ 10 000 euros et une autre à une collection lisboète.
Enfin, plusieurs prix ont été remis en soutien aux stands ou aux artistes. Vieira de Almeida a acquis une œuvre d’Ignasi Aballi chez Vera Cortes ; et la Fondation ARCO a acheté une pièce de Sara Bichão à la galerie Filomena Soares, de Lisbonne. L’an prochain, l’ouverture de l’importante extension du CAM-Centro de Arte Moderna Gulbenkian par l’architecte Kengo Kuma (inauguration prévue le 20 septembre 2024) devrait offrir de nouvelles perspectives pour Lisbonne et pour la foire.