Maria Balshaw a accordé un entretien au journal dominical londonien Observer au moment de la sortie de son nouveau livre, Gathering of Strangers : Why Museums Matter (Tate Publishing). La directrice de la Tate s’y est notamment exprimée sur le contrat de mécénat entre BP et le British Museum (BM), déclarant : « la position du public a évolué et il pense que [l’accord avec BP] est inapproprié ». Dans son ouvrage, elle « critique le nouveau partenariat de 50 millions de livres sterling du British Museum avec BP ». « Je n’ai jamais connu d’époque où nous n’étions pas préoccupés par le financement, a-t-elle déclaré au journal. C’est un aspect normal de la vie d’un directeur de musée. [Mais], il y a une contradiction entre le fait de vouloir être perçu comme extrêmement attentif à nos relations avec les autres cultures et vigilant quant aux ressources que nous consommons, et le fait de recevoir de l’argent d’une entreprise qui n’a pas encore prouvé qu’elle était réellement déterminée à changer. Le nouveau directeur du British Museum [Nicholas Cullinan] va devoir faire face à la colère du public ». L’argent du géant du pétrole et du gaz BP devrait permettre d’amorcer la collecte de fonds pour l’ambitieux plan directeur du musée, dont le but est de moderniser le bâtiment et de revaloriser la présentation de la collection. La signature de ce contrat de mécénat de 50 millions de livres sterling a toutefois suscité l’inquiétude des administrateurs du musée. Le British Museum s’est refusé à tout commentaire.
Maria Balshaw a aussi abordé dans l’entretien la controverse suscitée par l’exposition « Hogarth and Europe » à la Tate Britain en 2021-2022. Cette dernière avait subi une vague de critiques portant sur les cartels rédigés par des auteurs contemporains, qu’un critique a qualifiés de « radotage woke ». La directrice a également déclaré qu’elle avait changé d’avis sur cette exposition. « Le livre m’a aidée à clarifier mes idées sur des sujets pour lesquels notre intention était bonne, mais où nous n’avons pas bien fait les choses, comme l’exposition Hogarth. Nous avons été trop didactiques, et nous en avons tiré les leçons. J’ai compris que le problème du modèle [muséal] est que l’on est censé faire autorité. En fait, il est plus judicieux de ne pas être effrayé par son expertise tout en acceptant que d’autres aient des positions et des points de vue différents », a-t-elle déclaré.
L’exposition présentait l’œuvre de William Hogarth sous un « jour nouveau », ses œuvres étant accrochées pour la première fois aux côtés de celles de ses contemporains de Venise, Paris et Amsterdam, tels que le Français Jean Siméon Chardin (1699-1779). La décision de la direction de la Tate d’inclure des commentaires sur les peintures de Hogarth rédigés par plusieurs personnalités extérieures au musée, dont les artistes Lubaina Himid et Sonia E. Barrett, avait enflammé certains critiques d’art de la presse nationale britannique. Waldemar Januszczak du Sunday Times avait déclaré que le problème de l’exposition était « l’effondrement […] de l’érudition et son remplacement par un radotage sans queue ni tête ».
Enfin, Maria Balshaw a précisé dans cet entretien quelle était sa pièce préférée dans la collection de la Tate. Il s’agit de l’installation Cold Dark Matter : An Exploded View (1991) de Cornelia Parker. La directrice a aussi annoncé une exposition prévue l’année prochaine à la Tate Modern à Londres consacrée à l’artiste aborigène du XXe siècle Emily Kam Kngwarray (10 juillet 2025-13 janvier 2026). Elle a également évoqué ses origines, celles de la classe ouvrière, en précisant qu’elle avait été « encouragée à lire beaucoup » et qu’on l’emmenait régulièrement au théâtre.