Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou, a dévoilé ce 20 juin 2024 le projet choisi pour la rénovation du Centre Pompidou, confiée à l’agence d’architecture de Nicolas Moreau et Hiroko Kusunoki, associée à Frida Escobedo Studio, qui rejoint AIA Life Designers, maître d’œuvre du volet technique. Le « Centre Pompidou 2030 » n’ajoute aucune construction ni extension au bâtiment actuel. En revanche, il renoue avec certains des principes fondateurs de ce manifeste architectural. « Je crois que les lauréats du concours ont bien compris l’esprit du Centre Pompidou, a salué Renzo Piano. Leur projet est respectueux de l’architecture de ce bâtiment et en même temps capable de la renouveler pour le futur, tout en gardant son intégrité. »
Le projet privilégie des connexions entre les différents espaces, en dégageant des perspectives, notamment à travers des transparences (les parties de façade coupe-feu opaques seront remplacées par des modules vitrés), retrouvant ainsi l’idée initiale du prolongement de la ville au cœur du bâtiment.
L’organisation spatiale a été simplifiée, avec une clarification des parcours et un accès plus lisible. L’entrée principale donnera directement accès à l’accueil des visiteurs, qui pourront s’orienter vers l’Agora, le Pôle nouvelle génération, destiné aux plus jeunes, la Bpi (Bibliothèque publique d’information) ou les Galeries en empruntant la fameuse « chenille » sur la façade. Cette porosité à la fois physique et visuelle entend servir la polyvalence, le mélange des publics, et donner à nouveau toute sa dimension de plateforme créative à l’édifice.
Le Forum du Centre Pompidou sera revitalisé via une ouverture de cette vaste « piazza » intérieure vers le premier sous-sol. L’agrandissement de la trémie créera un nouveau volume sur trois niveaux. Les escaliers mécaniques seront déplacés vers l’Est, assurant une continuité entre la mezzanine, le Forum et l’Agora au niveau inférieur, aujourd’hui souvent ignorée des visiteurs. On l’a un peu oublié, à l’ouverture cet espace était le cœur battant de Beaubourg, accueillant aussi bien des chorégraphies de Merce Cunningham que des expositions. Replacer ce centre de gravité sur le plateau permettra de regagner de l’espace et de rééquilibrer les flux.
La Bpi sera entièrement réaménagée, selon des concepts d’îlots et d’archipel, là encore avec des perspectives profondes et des jeux de transparence ouvrant sur la ville, en particulier sur le Marais. Aux niveaux 4 et 5, la scénographie du musée national d’Art moderne sera repensée, ainsi que les espaces d’expositions temporaires du niveau 6. L’Atelier Brancusi sera réintégré dans le Centre. L’espace muséal conçu en 1997 sur la piazza par Renzo Piano pour l’accueillir devrait recevoir la bibliothèque Kandinsky, majoritairement fréquentée par les chercheurs. Enfin, le toit-terrasse de Beaubourg sera rendu accessible au public, offrant ce qui devrait vite devenir le panorama le plus prisé de la capitale.
La rénovation du Centre Pompidou, inauguré en 1977, revêt en outre un volet technique, répondant à des enjeux de sécurité, de développement durable et d’accessibilité afin de remettre le bâtiment aux normes actuelles, qu’elles soient environnementales, sanitaires ou énergétiques. L’intégralité des façades, endommagées, amiantées ou peu performantes sur le plan thermique, sera ainsi remplacée. Le budget du volet technique, financé par l’État, s’élève à 262 millions d’euros. Le Centre Pompidou s’est engagé à financer le volet culturel, à hauteur de 186 millions – dont 60 millions trouvés à date. Le bouclage du financement est prévu au printemps 2025. Si l’intégralité du budget n’est pas réunie, le volet culturel sera adapté grâce à une conception pensée sous forme de blocs fonctionnels indépendants.
Pour sa dernière exposition avant la fermeture, le Centre Pompidou a invité, de juin à septembre 2025, l’artiste Wolfgang Tillmans à créer une exposition déployée sur les 6 000 m2 du niveau 2 de la Bpi, vidé avant le début des travaux.
En réponse à la tribune récente, signée par des personnalités du monde de l’art demandant de ne pas fermer le Centre Pompidou pendant les travaux, Laurent Le Bon a justifié la décision de réaliser les travaux en site fermé – moins coûteux, moins longs et moins risqués compte tenu de la nécessité de réaliser le désamiantage total de l’enveloppe du bâtiment : « Le délai de fermeture du Centre Pompidou pour travaux sera de quatre ans. Prenons deux exemples, Jussieu et Radio France, dont les délais des travaux et les budgets ont explosé. Pourquoi ? Parce que le choix a été fait d’une coactivité et d’un projet par partie. Nous avons pu le vivre récemment avec le changement de la chenille, que nous avons pu comparer avec la fermeture totale du bâtiment entre 1997 et 2000. C’est l’enfer sur terre ! Je parle du respect des personnes. Imaginez ce que peut être un tel chantier en coactivité. Respectons les personnes qui ont œuvré à ce projet, respectons les missions du Centre Pompidou. Nous sommes le plus grand prêteur du monde : actuellement, 1 500 œuvres sont présentées dans le musée national d’Art moderne, et nous en prêtons 9 000 au même moment. Nous allons présenter la collection en 2025 à Metz, Lille et Monaco, sur plus de 20 000 m2. Nous sommes évidemment tristes de fermer notre institution, mais c’est la seule possibilité. En tant que président, j’ai la responsabilité de la sécurité des visiteurs comme des équipes du Centre Pompidou. Je ne joue pas avec la vie des gens. »